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CHILOÉ.

quelles que soient les recherches auxquelles on puisse se livrer, on n’aperçoit pas l’oiseau ; d’autres fois, il suffit de rester immobile pendant quelques instants et le cheucau s’avance à la distance de quelques pieds de vous de la façon la plus familière. Puis il s’en va la queue relevée, sautillant au milieu de la masse de troncs pourris et de branchages. Les cris variés et étranges du cheucau inspirent une crainte superstitieuse aux habitants de Chiloé. Cet oiseau pousse trois cris bien distincts ; on appelle l’un le chiduco, c’est un présage de bonheur ; un autre, le huitreu, c’est un très-mauvais présage ; j’ai oublié le nom du troisième. Ces mots imitent le son produit par l’oiseau et, dans certaines circonstances, les habitants de Chiloé se laissent absolument conduire par ces présages ; mais il faut avouer qu’ils ont choisi pour prophète la petite créature la plus comique que l’on puisse imaginer. Les habitants appellent Guid-guid (Pteroptochos Tarnii) une espèce alliée, mais un peu plus grosse ; les Anglais lui ont donné le nom d’oiseau aboyeur. Ce dernier nom est caractéristique, car je défie qui que ce soit de ne pas prendre son cri, quand on l’entend pour la première fois, pour l’aboiement d’un petit chien dans la forêt. De même que le cheucau, on entend quelquefois le guid-guid à deux pas de soi sans pouvoir l’apercevoir et quelquefois aussi il s’approche sans témoigner la moindre crainte. Il se nourrit de la même façon que le cheucau ; d’ailleurs, ces deux oiseaux ont des habitudes presque semblables.

Sur la côte[1] on rencontre fréquemment un petit oiseau noirâtre (Opetiorhynchus patagonicus). Il a des habitudes fort tranquilles et vit toujours sur le bord de la mer, comme le bécasseau. Outre ces oiseaux, il y en a fort peu d’autres. Dans les notes que j’ai prises sur place, je décris les bruits étranges que l’on entend souvent dans ces sombres forêts, mais qui parviennent à peine à troubler le silence général. Tantôt on entend l’aboiement du guid-guid, tantôt le huitreu du cheucau, quelquefois aussi le cri du petit roitelet noir de la Terre de Feu ; le grimpereau (Oxyurus) accompagne de ses sifflements quiconque ose pénétrer dans la forêt ; de temps en temps on voit passer l’oiseau-mouche comme un éclair ; il bondit

  1. Je puis citer comme preuve de la grande différence qui existe entre les saisons des parties boisées et des parties ouvertes de la côte, que le 20 septembre, par 34 degrés de latitude sud, ces oiseaux avaient des jeunes dans leur nid, tandis que dans les îles Chonos, trois mois plus tard, en été, ils ne faisaient encore que de pondre. La distance entre ces deux endroits est d’environ 700 milles (1 125 kilomètres).