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CHILOÉ.

irrégulière. Quand une partie de cette troupe se posa sur l’eau pour se reposer, la surface de la mer en devint noire et on entendit un bruit confus tel que celui qui s’élève d’une grande foule d’hommes à une certaine distance.

Il y a plusieurs autres espèces de pétrels ; je n’en citerai plus qu’un, le Pelacanoïdes Berardi, exemple de ces cas extraordinaires d’un oiseau appartenant évidemment à une famille bien déterminée, et qui, cependant, par ses habitudes et par sa conformation, se rallie à une tribu entièrement distincte. Cet oiseau ne quitte jamais les baies intérieures et tranquilles. Quand on le pourchasse, il plonge, puis il sort de l’eau à une certaine distance par une sorte d’élan et s’envole ; ce vol se continue rapide et en droite ligne pendant un certain laps de temps, puis tout à coup l’oiseau se laisse tomber, comme s’il venait de recevoir un coup mortel, et il plonge de nouveau. La forme du bec et des narines de cet oiseau, la longueur de son pied, la couleur même de son plumage, prouvent que c’est un pétrel ; d’autre part, ses ailes courtes et, par conséquent, sa puissance de vol si limitée, la forme de son corps et de sa queue, l’absence de pouce à son pied, son habitude de plonger, le choix de son habitation, le rapprochent singulièrement des pingouins. On le prendrait certainement pour un pingouin quand on le voit à une certaine distance, soit qu’il plonge ou qu’il nage tranquillement dans les détroits déserts de la Terre de Feu.