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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/341

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TREMBLEMENT DE TERRE.

n’aient pas été renversées, elles n’en furent pas moins violemment ébranlées. Tous les habitants, saisis d’une folle terreur, se précipitèrent dans les rues. Ce sont ces spectacles qui créent chez tous ceux qui ont vu aussi bien que ressenti leurs effets cette indicible horreur des tremblements de terre. Dans la forêt, le phénomène est fort intéressant, mais il ne cause aucune terreur. Le choc affecta curieusement la mer. Le grand choc eut lieu au moment de la marée basse ; une vieille femme qui se trouvait sur la plage me dit que l’eau vint très-vite à la côte, mais sans former de grandes vagues, et s’éleva rapidement jusqu’au niveau des grandes marées, puis reprit son niveau aussi rapidement ; la ligne de sable mouillé me confirma le dire de la vieille femme. Ce même mouvement rapide, mais tranquille, de la marée se produisit il y a quelques années à Chiloé, pendant un léger tremblement de terre, et causa une grande alarme. Dans le courant de la soirée il y eut plusieurs petits chocs qui produisirent dans le port les courants les plus compliqués, dont quelques-uns étaient assez violents.


4 mars. — Nous entrons dans le port de Concepcion. Pendant que le vaisseau cherche un endroit bien abrité, je débarque sur l’île de Quiriquina. L’intendant de cette propriété vient bien vite me trouver pour m’annoncer la terrible nouvelle du tremblement de terre du 20 février ; il me dit qu’ « il n’y a plus une seule maison debout ni à Concepcion ni à Talcahuano (le port) ; que soixante-dix villages ont été détruits ; et qu’une vague immense a presque enlevé les ruines de Talcahuano. J’ai les preuves de cette dernière partie de ses dires ; la côte entière est jonchée de poutres et de meubles, tout comme si un millier de vaisseaux étaient venus se briser là. Outre les chaises, les tables, les casiers, etc., on voit les toits de plusieurs cottages qui ont été transportés presque tout entiers. Les magasins de Talcahuano ont partagé le sort commun et on voit aussi sur la côte d’immenses balles de coton, d’yerba et d’autres marchandises. Pendant ma promenade autour de l’île je remarque que de nombreux fragments de rochers, qui, à en juger par les productions marines qui y adhèrent encore, devaient récemment se trouver à d’assez grandes profondeurs, ont été jetés très-haut sur la côte ; je mesure un de ces blocs, qui a 6 pieds de longueur, 3 pieds de largeur et 2 pieds d’épaisseur.

L’effroyable puissance du tremblement de terre avait d’ailleurs laissé sur l’île elle-même autant de traces que la grande vague en