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COLORATION DE LA MER.

parle pas ici des corpuscules gélatineux que l’on trouve souvent dans l’eau, car ils ne sont jamais réunis en quantités assez considérables pour produire une coloration ; j’aurai d’ailleurs occasion de m’expliquer plus tard à ce sujet.

Les indications que je viens de donner ouvrent le champ à deux questions importantes : en premier lieu, comment se fait-il que les différents corps qui constituent les bandes à bords bien définis restent réunis ? Quand il s’agit des crustacés qui ressemblent aux crevettes, rien d’extraordinaire, car les mouvements de ces animaux sont aussi réguliers, aussi simultanés que ceux d’un régiment de soldats. Mais on ne peut attribuer cette réunion à une action volontaire de la part des ovules ou des conferves, et cette action volontaire n’est pas probable non plus dans le cas des infusoires. En second lieu, quelle est la cause de la longueur et du peu de largeur des bandes ? Ces bandes ressemblent si complètement à ce qu’on peut voir sur chaque torrent, où le courant entraîne en longues files l’écume produite, qu’il faut bien les attribuer à une action semblable des courants de l’air ou de la mer. Si l’on admet cette supposition, il faut croire aussi que ces différents corps organisés proviennent d’endroits où ils se produisent en grand nombre et que les courants de l’air ou de la mer les entraînent au loin. J’avoue cependant qu’il est fort difficile de croire qu’un seul endroit, quel qu’il soit, puisse produire des millions de millions d’animalcules et de conferves. Comment, en effet, ces germes se trouveraient-ils à ces endroits spéciaux ? Les corps producteurs n’ont-ils pas été dispersés par les vents et par les vagues sur toute l’immensité de l’Océan ? Toutefois, il faut bien l’avouer aussi, il n’y a pas d’autre hypothèse pour expliquer ce groupement. Il est bon d’ajouter peut-être que, d’après Scoresby, on trouve invariablement dans une certaine partie de l’océan Arctique de l’eau verte contenant de nombreuses méduses.