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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/368

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LE PORTILLO.

les Pampas. Depuis longtemps je me promettais un vif plaisir de ce spectacle, mais j’éprouve en somme un grand désappointement ; au premier abord, on croirait considérer l’Océan ; mais je découvre bientôt de nombreuses inégalités de terrain dans la direction du nord. Les fleuves forment le trait le plus saillant du tableau ; au lever du soleil, ils resplendissent comme des fils d’argent jusqu’à ce qu’ils se perdent dans l’éloignement. Vers le milieu du jour, nous descendons dans la vallée et nous arrivons à une hutte où sont postés un officier et trois soldats chargés d’examiner les passeports. L’un de ces hommes est un vrai Indien des Pampas ; on l’entretient là comme une espèce de chien de chasse, chargé qu’il est de découvrir les gens qui seraient tentés de passer secrètement à pied ou à cheval. Il y a quelques années, un voyageur essaya de passer sans être aperçu, en faisant un long détour, à travers une montagne voisine ; mais cet Indien ayant par hasard découvert l’empreinte de ses pas, suivit ses traces pendant toute une journée à travers rochers et collines et finit par découvrir sa proie cachée dans une caverne. Nous apprenons que les beaux nuages dont nous avions tant admiré les couleurs brillantes du sommet de la montagne ont déversé ici des torrents de pluie. À partir de ce point, la vallée s’élargit graduellement, les collines s’abaissent, et nous nous trouvons bientôt dans une plaine formée de débris s’étendant en pente douce et couverte d’arbres rabougris et de buissons. Bien que ce talus paraisse fort étroit, il doit avoir au moins 10 milles de largeur avant de se confondre avec les pampas absolument plats. Nous voyons, en passant, la seule maison qui existe dans le voisinage, la Estancia de Chaquaio ; au coucher du soleil nous nous arrêtons pour bivouaquer dans le premier endroit abrité que nous rencontrons.

25 mars. — Le disque du soleil levant, coupé par un horizon aussi plat que peut l’être l’eau de l’Océan, me rappelle les pampas de Buenos Ayres. Pendant la nuit il y a une rosée fort abondante, fait que nous n’avons pas remarqué dans les Cordillères. La route traverse d’abord un pays bas et marécageux et se dirige directement vers l’est ; puis, dès qu’on atteint la plaine sèche, elle tourne vers le nord dans la direction de Mendoza. Nous avons devant nous deux longs jours de marche. La première étape est de 14 lieues jusqu’à Estacado ; la seconde, de 17 lieues jusqu’à Luxan, près de Mendoza. Pendant toute cette distance, on traverse une plaine déserte où il n’y a guère que deux ou trois maisons ; le soleil est