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ZOOLOGIE.

chaud, à tel point que c’est à peine si l’on pouvait marcher dessus, même en portant des bottes fort épaisses.

L’histoire naturelle de ces îles est éminemment curieuse et mérite la plus grande attention. La plupart des productions organiques sont essentiellement indigènes et on ne les trouve nulle part ailleurs ; on remarque même des différences entre les habitants de ces diverses îles. Tous ces organismes cependant ont un degré de parenté plus ou moins marqué avec ceux de l’Amérique, bien que l’archipel soit séparé du continent par 500 ou 600 milles d’océan. Cet archipel, en un mot, forme un petit monde à lui seul, ou plutôt un satellite attaché à l’Amérique, d’où il a tiré quelques habitants, et d’où provient le caractère général de ses productions indigènes. On est encore plus étonné du nombre des êtres aborigènes que nourrissent ces îles, si l’on considère leur petite étendue. On est porté à croire, en voyant chaque colline couronnée de son cratère et les limites de chaque coulée de lave encore parfaitement distinctes, qu’à une époque géologiquement récente l’océan s’étendait là où elles se trouvent aujourd’hui. Ainsi donc, et dans le temps et dans l’espace, nous nous trouvons face à face avec ce grand fait, ce mystère des mystères, la première apparition de nouveaux êtres sur la terre.

En fait de mammifères terrestres, il n’y en a qu’un qu’on puisse considérer comme indigène, c’est une souris (Mus galapagoensis), et, autant que j’ai pu le savoir, elle se trouve confinée dans l’île Chatham, l’île la plus orientale du groupe. M. Waterhouse m’apprend qu’elle appartient à une division de la famille des souris particulière à l’Amérique. Sur l’île James on trouve un rat suffisamment distinct de l’espèce commune pour qu’il ait été nommé et décrit par M. Waterhouse. Mais, comme ce rat appartient à la branche de la famille qui habite l’ancien monde, et comme des vaisseaux ont fréquenté cette île pendant les cent cinquante dernières années, je ne puis douter que ce rat ne soit qu’une simple variété produite par un climat, une nourriture et un pays nouveau et tout particulier. Bien que personne n’ait le droit de tirer des conclusions sans les faire reposer sur des faits acquis, je dois faire remarquer ici que la souris de Chatham peut être une espèce américaine importée dans cette île. J’ai vu, en effet, dans une partie fort peu fréquentée des Pampas une souris vivant dans le toit d’une hutte nouvellement construite ; or il