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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

et pour saler des tortues. À environ 6 milles dans l’intérieur, et à une altitude de près de 2 000 pieds on a bâti une hutte, dans laquelle vivent deux hommes occupés à attraper les tortues ; les autres pêchent sur la côte. J’allai visiter deux fois cette hutte, et j’y passai une nuit. Comme dans toutes les autres îles de cet archipel la région inférieure est couverte d’arbrisseaux qui n’ont presque aucune feuille ; cependant les arbres poussent mieux ici que partout ailleurs, car j’en ai vu plusieurs qui avaient 2 pieds et jusqu’à 2 pieds 9 pouces de diamètre. Les nuages entretiennent l’humidité dans la partie supérieure, aussi la végétation y est-elle fort belle. Le sol, dans ces parties supérieures, est si humide, que j’y ai trouvé des prairies considérables d’un Cyperus grossier dans lesquelles vivent un grand nombre de très-petits râles d’eau. Pendant que j’étais dans cette partie supérieure je me nourrissais entièrement de viande de tortue. La poitrine rôtie à la mode des Gauchos, carne con cuero, c’est-à-dire sans retirer la peau, est excellente ; on fait de fort bonne soupe avec les jeunes tortues ; mais je ne peux pas dire que cette viande me plaise beaucoup.

Un jour j’accompagne les Espagnols dans leur baleinière jusqu’à une saline ou lac où ils se procurent le sel. Après avoir débarqué, nous avons une course assez longue à faire sur une couche de lave récente fort rugueuse, qui a presque entouré un cratère de tuf, au fond duquel se trouve le lac d’eau salée. Il n’y a que 3 ou 4 pouces d’eau reposant sur une couche de sel blanc admirablement cristallisé. Le lac est absolument rond, bordé de magnifiques plantes vert brillant ; les parois presque perpendiculaires du cratère sont recouvertes de bois ; toute la scène, en un mot, offre l’aspect le plus pittoresque et le plus curieux. Il y a quelques années, les matelots d’un baleinier assassinèrent leur capitaine dans cet endroit retiré ; j’ai vu son crâne au milieu des buissons.

Pendant la plus grande partie de notre séjour, une semaine, le ciel resta sans nuages ; quand le vent alizé cessait de souffler pendant une heure, la chaleur devenait insupportable. Deux jours de suite, à l’intérieur de la tente, le thermomètre indiqua pendant quelques heures 93 degrés F. (48°,8 C.), mais en plein air, au soleil et au vent il n’indiquait que 85 degrés F. (42°,4 C.). Le sable était extrêmement chaud ; je plaçai un thermomètre dans du sable de couleur brune, et le mercure monta immédiatement à 137 degrés F. (85° C.) ; je ne sais pas jusqu’à quel point il aurait monté, car malheureusement l’échelle finissait là. Le sable noir était encore beaucoup plus