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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

À l’époque de ma visite (octobre) les femelles pondaient ; elles déposent leurs œufs en groupes, et, quand le sol est sablonneux, elles les recouvrent de sable ; mais, quand le sol est rocailleux, elles les déposent dans les trous ou les fissures qu’elles peuvent rencontrer ; M. Bynoe en a trouvé sept dans une seule fissure. Leur œuf est blanc et sphérique ; j’en mesurai un qui avait 7 pouces trois-huitièmes de circonférence et qui était par conséquent plus gros qu’un œuf de poule. Les buses font une chasse acharnée aux jeunes tortues quand elles sortent de l’œuf. Les vieilles tortues ne semblent guère mourir que par accident, en tombant, par exemple, du haut d’un précipice ; tout au moins les habitants m’ont affirmé qu’ils n’ont jamais vu une tortue mourir de mort naturelle.

Les habitants croient que ces animaux sont absolument sourds ; il est certain qu’ils n’entendent pas une personne qui marche immédiatement derrière eux. Rien d’amusant comme de dépasser un de ces gros monstres qui chemine tranquillement ; dès qu’il vous aperçoit, il siffle avec force, retire ses jambes et sa tête sous sa carapace et se laisse tomber lourdement sur le sol comme s’il était frappé à mort. Je montais souvent sur leur dos ; si l’on frappe alors sur la partie postérieure de leur écaille, la tortue se relève et s’éloigne ; mais il est très-difficile de se tenir debout sur elle pendant qu’elle marche. On consomme des quantités considérables de la chair de cet animal et comme viande fraîche et comme viande salée ; les parties grasses fournissent une huile admirablement limpide. Quand on attrape une tortue, on commence ordinairement par faire une ouverture dans la peau, auprès de la queue, pour voir si le gras, sous la carapace, remplit tout l’espace vide. Si la tortue n’est pas assez grasse, on la laisse aller et on dit qu’elle ne se porte pas plus mal après cette étrange opération. Il n’est pas suffisant, pour s’emparer d’une tortue de terre, de la tourner les pattes en l’air, comme on fait pour la tortue de mer, car elle arrive presque toujours à se retourner.

Il est à peu près certain que cette tortue est un habitant indigène de l’archipel des Galapagos ; on la trouve en effet sur toutes, ou sur presque toutes les îles de ce groupe, même sur les plus petites où il n’y a pas d’eau ; si cette espèce avait été importée, il est probable qu’il n’en serait pas ainsi dans un archipel si peu fréquenté. En outre, les vieux boucaniers l’ont trouvée en quantité plus considérable qu’on ne la trouve à présent ; MM. Wood et Rogers disent aussi, en 1708, que, d’après les Espagnols, on ne la trouve dans aucune