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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/43

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ASPECT DES FORÊTS.

arbres, bien que fort élevés, n’ont pas plus de 3 ou 4 pieds de circonférence, sauf quelques-uns, bien entendu, de dimensions beaucoup plus considérables. Le senhôr Manuel creusait alors un canot de 70 pieds de long dans un seul tronc d’arbre qui avait 110 pieds de long et une épaisseur considérable. Le contraste des palmiers, croissant au milieu des espèces communes à branches, donne toujours au paysage un aspect intertropical. En cet endroit, le chou-palmier, un des plus élégants de la famille, orne la forêt. La tige de ce palmier est si mince, qu’on pourrait l’entourer avec les deux mains, et cependant il balance ses feuilles élégantes à 40 ou 50 pieds au-dessus du sol. Les plantes grimpantes ligneuses, recouvertes elles-mêmes d’autres plantes grimpantes, ont un fort gros tronc ; j’en mesurai quelques-uns, qui avaient jusqu’à 2 pieds de circonférence. Quelques vieux arbres présentent un aspect fort singulier, les tresses de lianes pendant à leurs branches ressemblent à des bottes de foin. Si, après s’être rassasié de la vue du feuillage, on tourne les yeux vers le sol, on se sent transporté d’une admiration égale par l’extrême élégance des feuilles des fougères et des mimosas. Ces dernières recouvrent le sol en faisant un tapis de quelques pouces de hauteur ; si l’on marche sur ce tapis, on voit en se retournant la trace de ses pas indiquée par le changement de teinte produit par l’abaissement des pétioles sensibles de ces plantes. Il est facile, d’ailleurs, d’indiquer les objets individuels qui excitent l’admiration dans ces admirables paysages ; mais il est impossible de dire quels sentiments d’étonnement et d’élévation ils éveillent dans l’âme de celui à qui il est donné de les contempler.

19 avril. — Nous quittons Socêgo et suivons pendant deux jours la route que nous connaissons déjà, route fatigante et ennuyeuse, car elle traverse des plaines sablonneuses où la réverbération est intense, non loin du bord de la mer. Je remarque que chaque fois que mon cheval pose le pied sur le sable siliceux, on entend un faible cri. Le troisième jour, nous prenons une route différente et traversons le joli petit village de Madre de Deôs. C’est là une des principales grandes routes du Brésil ; et cependant elle est en si mauvais état, qu’aucune voiture ne peut la traverser, sauf toutefois les charrettes traînées par les bœufs. Pendant tout notre voyage, nous n’avons pas traversé un seul pont en pierre ; et les ponts en bois sont en si mauvais état, qu’il est souvent nécessaire de passer à côté pour les éviter. On ne connaît guère les distances ; quelquefois, au lieu de poteaux kilométriques, on trouve une croix ; mais