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RIO DE JANEIRO.

c’est simplement pour indiquer l’endroit où un meurtre a été commis. Nous arrivons à Rio dans la soirée du 23 ; nous avions terminé notre petit voyage.

Pendant le reste de mon séjour à Rio, j’habitai un petit cottage situé dans la baie de Botofogo. Impossible de rêver rien de plus délicieux que ce séjour de quelques semaines dans un aussi admirable pays. En Angleterre, quiconque aime l’histoire naturelle a un grand avantage, en ce sens qu’il découvre toujours quelque chose qui attire son attention ; mais, dans ces climats fertiles, regorgeant pour ainsi dire d’êtres animés, les découvertes nouvelles qu’il fait à chaque instant sont si nombreuses, que c’est à peine s’il peut avancer.

Je consacrai presque exclusivement aux animaux invertébrés les quelques observations que je fus à même de faire. L’existence de vers du genre planaire, qui habitent la terre sèche, m’intéressa beaucoup. Ces animaux ont une structure si simple, que Cuvier les a classés au nombre des vers intestinaux, bien qu’on ne les trouve jamais dans le corps d’autres animaux. De nombreuses espèces de ce genre habitent l’eau salée et l’eau douce ; mais celles dont je parle se trouvent même dans les parties les plus sèches de la forêt, sous des troncs pourris, dont elles semblent faire leur nourriture. Comme aspect général, ces animaux ressemblent à de petites limaces, mais avec des proportions beaucoup moindres ; plusieurs espèces portent des raies longitudinales de couleur brillante. Leur conformation est fort simple : vers le milieu de la surface inférieure de leur corps, ou de la partie sur laquelle ils rampent, se trouvent deux petites ouvertures transversales ; une trompe en forme d’entonnoir et fort irritable peut sortir de l’ouverture antérieure. Cet organe conserve encore sa vitalité pendant quelques instants après que le reste du corps de l’animal est complètement mort, qu’on l’ait tué soit en le plongeant dans l’eau salée, soit par tout autre moyen.

Je ne trouvai pas moins de dix espèces différentes de planaires terrestres dans diverses parties de l’hémisphère méridional[1]. Je conservai vivants pendant près de deux mois quelques spécimens que je m’étais procurés à la terre de Van-Diemen ; je les nourrissais de bois pourri. Je coupai l’un d’eux transversalement en deux

  1. J’ai décrit et nommé ces espèces dans les Annals of Nat. Hist., vol. XIV, p. 241.