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OISEAUX.

plus étonné de l’action différente, tout en étant cependant analogue, de cette force créatrice sur des points si rapprochés les uns des autres. J’ai dit qu’on pourrait considérer l’archipel des Galapagos comme un satellite attaché à l’Amérique ; mais il vaudrait mieux l’appeler un groupe de satellites, semblables au point de vue physique, distincts au point de vue des organismes, et cependant intimement reliés les uns aux autres et tous reliés au grand continent de l’Amérique, de façon très-marquée, quoique beaucoup moins en somme qu’ils ne le sont l’un avec l’autre.

Pour terminer la description de l’histoire naturelle de ces îles, je dirai quelques mots sur le défaut de timidité des oiseaux.

Ce caractère est commun à toutes les espèces terrestres, c’est-à-dire aux oiseaux moqueurs, aux moineaux, aux roitelets, aux gobe-mouches, aux colombes et à la buse. Tous s’approchent de vous d’assez près pour qu’on puisse les tuer à coups de baguette ; on peut même les prendre, comme j’ai essayé de le faire moi-même, avec un chapeau ou une casquette. Le fusil vous est presque une arme inutile dans ces îles ; il m’est arrivé de pousser un faucon avec le canon de ma carabine. Un jour que j’étais assis à terre, un oiseau moqueur vint se poser sur le bord d’un vase fait d’une écaille de tortue que je tenais à la main et il se mit tranquillement à boire ; pendant qu’il était posé sur le bord du vase, je le soulevai de terre sans qu’il bougeât ; j’ai souvent essayé, et souvent aussi j’ai réussi, à prendre ces oiseaux par les pattes. Les oiseaux de ces îles paraissent avoir été encore plus hardis qu’ils ne le sont à présent. Cowley (il a visité cet archipel en 1684) dit : « Les tourterelles étaient si parfaitement apprivoisées, qu’elles venaient se percher sur nos chapeaux et sur nos bras, de telle sorte que nous pouvions les prendre vivantes ; elles devinrent un peu plus timides quand quelques-uns de nos camarades eurent tiré sur elles. » Dampier écrit aussi, dans la même année, qu’un homme pouvait facilement tuer pendant sa promenade du matin six ou sept douzaines de tourterelles. Bien qu’elles soient encore aujourd’hui extrêmement apprivoisées, les tourterelles ne viennent plus se percher sur les bras des voyageurs ; elles ne se laissent pas non plus tuer en nombre si considérable. Il est même surprenant que ces oiseaux ne soient pas devenus plus sauvages, car, pendant les cent cinquante dernières années, des boucaniers et des baleiniers ont fréquemment visité ces îles, et les matelots, errant dans les bois à