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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

la recherche des tortues, semblent se faire une fête de tuer les petits oiseaux.

Bien que plus pourchassés encore aujourd’hui, ces oiseaux ne deviennent pas facilement sauvages. À l’île Charles, colonisée depuis six ans environ, j’ai vu un gamin assis auprès d’un puits une badine à la main, avec laquelle il tuait les tourterelles et les moineaux qui venaient boire. Il en avait déjà un petit tas auprès de lui pour son dîner ; il me dit qu’il avait l’habitude de venir se poster auprès de ce puits dans le but d’en tuer tous les jours. Il semble réellement que les oiseaux de cet archipel n’aient pas encore compris que l’homme est un animal plus dangereux que la tortue ou l’Amblyrhynchus ; ils n’y font donc pas plus d’attention que les oiseaux sauvages anglais, les pies, par exemple, ne font attention aux vaches et aux chevaux qui broutent dans les champs.

Aux îles Falkland on trouve aussi des oiseaux qui ont exactement le même caractère. Pernety, Lesson, et d’autres voyageurs ont remarqué le défaut de timidité du petit Opetiorhynchus. Ce caractère cependant n’est pas particulier à cet oiseau : le Polyborus, la bécasse, l’oie des basses terres ou des hautes terres, la grive, le bruant et même quelques faucons sont presque tous aussi peu timides. Ce manque de timidité, dans ce pays où l’on trouve des renards, des faucons et des hiboux prouve que nous ne pouvons pas attribuer à l’absence d’animaux carnivores dans les îles Galapagos le manque de timidité qu’on remarque chez les oiseaux de ces dernières îles. Les oies des hautes terres aux îles Falkland, en prenant la précaution de bâtir leurs nids sur les îlots qui avoisinent la côte, prouvent qu’elles redoutent le voisinage des renards, mais cela ne les a pas rendues sauvages vis-à-vis de l’homme. Ce défaut de timidité des oiseaux, et particulièrement des oiseaux aquatiques, contraste singulièrement avec les habitudes de la même espèce à la Terre de Feu, où, depuis des siècles, les sauvages les pourchassent. Aux îles Falkland, un chasseur peut arriver à tuer en un jour plus d’oies des hautes terres qu’il n’en peut porter ; à la Terre de Feu, au contraire, il est aussi difficile d’en tuer une qu’il est difficile de tuer une oie sauvage en Angleterre.

À l’époque de Pernety (1763), les oiseaux des îles Falkland semblaient être beaucoup moins timides qu’ils ne le sont aujourd’hui ; ce voyageur affirme que l’Opetiorhynchus venait presque se percher sur ses doigts et qu’un jour il en tua dix en une demi-