Aller au contenu

Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/453

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
EXCURSION DANS LES MONTAGNES.

que j’ai vu jusqu’à présent. Jusqu’à midi le soleil dardait verticalement sur nos têtes, l’air était assez frais et assez humide ; mais bientôt la chaleur devint étouffante. Nous nous arrêtons pour dîner à l’ombre d’une saillie de rochers au-dessous d’une muraille de laves disposées en colonnes. Mes guides se procurent un plat de petits poissons et de petites écrevisses. Ils s’étaient munis d’un petit filet étendu sur un cercle ; partout où l’eau était assez profonde, ils plongeaient, suivaient le poisson dans tous les trous où il allait se réfugier, et le prenaient avec leur filet.

Les Taïtiens se comportent dans l’eau comme de véritables amphibies. Une anecdote racontée par Ellis prouve qu’ils sont parfaitement chez eux dans cet élément. En 1817, on débarquait un cheval pour la reine Pomaré ; les cordes cassèrent et le cheval tomba à l’eau ; les indigènes se jetèrent immédiatement à la mer, et par leurs cris, par leurs efforts pour l’aider, firent presque noyer le pauvre animal. Mais, dès que le cheval eut atteint la côte, la population entière se sauva pour échapper au cochon qui porte l’homme, nom qu’ils avaient donné au cheval.

Un peu plus haut la rivière se divise en trois petits torrents. Deux de ces torrents sont impraticables ; ils forment une série de chutes qui partent du sommet de la montagne la plus élevée ; l’autre paraissait tout aussi inaccessible ; nous parvenons cependant à en remonter le cours par une route très-extraordinaire. Les côtés de la vallée sont presque perpendiculaires en cet endroit ; mais, comme il arrive souvent dans les roches stratifiées, on trouve de petites saillies qui sont couvertes de bananiers sauvages, de plantes liliacées et d’autres admirables productions des tropiques. Les Taïtiens, en grimpant sur ces saillies pour chercher des fruits, ont découvert un sentier qui permet de remonter jusqu’au sommet du précipice. Tout d’abord l’ascension est très-dangereuse, car il faut passer sur une surface de rochers extrêmement inclinés, où il n’y a pas une plante pour se retenir ; nous ne parvenons à franchir cet endroit qu’à l’aide des cordes que nous avons apportées. Comment est-on parvenu à découvrir que ce terrible passage est le seul point du flanc de la montagne qui soit praticable, c’est ce que je ne peux comprendre. Nous suivons alors une des saillies de rochers qui nous conduit à l’un des trois torrents. Cette saillie forme une petite plate-forme au-dessus de laquelle une magnifique cascade ayant quelques centaines de pieds de hauteur projette ses eaux, et au-dessous de laquelle une autre cascade fort élevée va se