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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/452

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TAITI.

gravure elle-même l’île. Le soir, quand je descends de la montagne, je rencontre un homme auquel j’avais fait un petit cadeau le matin ; il m’apporte des bananes rôties toutes chaudes, un ananas et des noix de coco. Je ne connais rien de plus délicieusement rafraîchissant que le lait d’une noix de coco, après une longue course, sous un soleil brûlant. Il y a tant d’ananas dans cette île, qu’on les mange comme on pourrait manger les navets en Angleterre. Ils ont un parfum délicieux, préférable peut-être même au parfum de ceux que l’on cultive en Angleterre, et c’est là, je crois, le plus grand compliment qu’on puisse faire à aucun fruit. Avant de retourner à bord, je charge M. Wilson de dire au Taïtien qui s’est montré si aimable, que j’ai besoin de lui et d’un autre homme pour m’accompagner pendant une courte excursion dans les montagnes.

18 novembre. — Je me rends à terre de très-bonne heure ; j’apporte avec moi un sac plein de provisions et deux couvertures, l’une pour moi et l’autre pour mon domestique. On attache le tout aux deux extrémités d’un long bâton que mes guides taïtiens portent à tour de rôle sur leur épaule. Ces hommes sont accoutumés à porter ainsi, pendant des jours entiers, 50 livres au moins à chaque extrémité du bâton. Je les préviens qu’ils ont à se pourvoir de provisions et d’habits ; ils me répondent que quant aux aliments on en trouve en abondance dans les montagnes, et que quant aux vêtements leur peau leur suffit. Nous remontons la vallée de Tia-auru, dans laquelle coule une rivière qui vient se jeter dans la mer à la pointe Vénus. C’est une des principales rivières de l’île ; elle prend sa source à la base des montagnes centrales les plus élevées, montagnes qui atteignent une hauteur d’environ 7 000 pieds. L’île entière est si montagneuse que le seul moyen de pénétrer dans l’intérieur est de suivre les vallées. Nous commençons par traverser des forêts qui bordent les deux côtés de la rivière ; les échappées de vue, à travers les arbres, sur les hautes montagnes du centre de l’île sont extrêmement pittoresques. Bientôt la vallée se rétrécit ; les montagnes qui la bordent s’élèvent et prennent l’aspect de véritables précipices. Après trois ou quatre heures de marche, nous nous trouvons dans un véritable ravin, dont la largeur n’excède pas le lit du torrent. De chaque côté les murs sont presque verticaux ; cependant ces couches volcaniques sont si molles, que des arbres et de nombreuses plantes poussent dans toutes les crevasses. Ces murailles ont au moins quelques milliers de pieds de hauteur ; ce ravin est infiniment plus beau que tout ce