Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/47

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avec plaisir. Un matin, il plut pendant six heures consécutives et il tomba 1 pouce six dixièmes de pluie. Quand cet orage passa sur les forêts qui entourent le Corcovado, les gouttes d’eau, en venant frapper la multitude innombrable des feuilles, produisaient un bruit fort singulier ; on pouvait l’entendre à un quart de mille de distance, et il ressemblait au bruit que ferait un torrent impétueux. Combien il était délicieux, après une chaude journée, de s’asseoir tranquillement dans le jardin jusqu’à ce qu’il fît nuit ! La nature, dans ces climats, choisit pour ses vocalistes des artistes plus humbles qu’en Europe. Une petite grenouille, du genre Hyla, se pose sur une tige à environ un pouce au-dessus de la surface de l’eau et fait entendre un chant fort agréable ; quand elles sont plusieurs ensemble, chacune d’elles donne sa note harmonieuse. J’éprouvai quelque difficulté à me procurer un spécimen de ces grenouilles. Les pattes de ces animaux se terminent par de petites ventouses, et je m’aperçus qu’ils pouvaient grimper le long d’une glace placée perpendiculairement. De nombreuses cigales, de nombreux grillons, font entendre en même temps leur cri perçant, mais qui toutefois, amoindri par la distance, ne laisse pas d’être agréable. Tous les soirs, ce concert commence dès qu’il fait nuit. Combien de fois ne m’est-il pas arrivé de rester là, immobile, à l’écouter, jusqu’à ce que le passage de quelque insecte curieux vînt éveiller mon attention.

À cette heure, les mouches lumineuses volent de haie en haie ; par une nuit sombre, on peut percevoir à deux cents pas environ la lumière qu’elles projettent. Il est à remarquer que, chez tous les animaux phosphorescents que j’ai pu observer, vers luisants, scarabées brillants et différents animaux marins (tels que crustacés, méduses, néréides, un coralliaire du genre Clytia et un tunicier du genre Pyrosome), la lumière affecte toujours une teinte verte bien définie. Toutes les mouches lumineuses que j’ai pu prendre ici appartiennent aux Lampyrides (famille à laquelle appartient le ver luisant anglais), et le plus grand nombre des spécimens étaient des lampyris occidentalis[1]. Cet insecte, d’après de nombreuses observations faites par moi, émet la lumière la plus brillante quand on l’irrite ; dans les intervalles, les anneaux abdominaux s’obscurcissent. La lumière se produit presque instantanément dans les deux anneaux ; cepen-

  1. Je désire exprimer toute ma reconnaissance à M. Waterhouse, qui a bien voulu déterminer cet insecte et beaucoup d’autres et m’aider de toutes façons.