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NOUVELLE-ZÉLANDE.

plus extraordinaire : ainsi les missionnaires m’ont dit que, même pour eux, il manque quelque chose à une figure quand elle n’est pas tatouée, et qu’elle ne leur représente plus alors la face d’un gentleman de la Nouvelle-Zélande.

Le soir, je me rends chez M. Williams, où je dois passer la nuit. J’y trouve une quantité d’enfants, réunis pour fêter le jour de Noël ; ils sont tous assis autour d’une table immense et prennent le thé. Jamais je n’ai vu groupe d’enfants plus jolis et plus gais ; on ressent bien quelque étonnement quand on pense en même temps qu’on se trouve au milieu d’une île, où le cannibalisme, le meurtre et tous les crimes les plus atroces règnent en véritables maîtres ! D’ailleurs, les chefs de la mission semblent, eux aussi, jouir de la gaieté et du bonheur que respirent toutes ces petites figures.

24 décembre. — On dit la prière du matin en Nouveau-Zélandais en présence de toute la famille. Après déjeuner je vais me promener dans les jardins et dans la ferme. C’est jour de marché ; les indigènes des hameaux voisins apportent leurs pommes de terre, leur maïs, leurs cochons, qu’ils viennent échanger contre des couvertures et du tabac ; quelquefois, à force de persuasion, les missionnaires parviennent à leur faire prendre un peu de savon. Le fils aîné de M. Davis, qui exploite une ferme, est le grand chef du marché. Les enfants des missionnaires, qui sont venus demeurer tout jeunes dans l’île, comprennent la langue indigène bien mieux que leurs parents, et bien mieux qu’eux aussi se font obéir par les sauvages.

Un peu avant midi, MM. Williams et Davies me conduisent dans une forêt voisine pour me montrer les fameux pins Kauris. Je mesure un de ces magnifiques arbres ; juste au-dessus des racines il a 31 pieds de circonférence. Il y en a un autre à une certaine distance, trop loin pour que j’aille le voir, qui a 33 pieds de circonférence ; on m’en a cité un autre enfin qui a plus de 40 pieds. Ces arbres sont fort remarquables à cause de leur tronc uni et cylindrique, qui s’élance jusqu’à une hauteur de 60 et même de 90 pieds en conservant presque partout le même diamètre, et sans une seule branche. La couronne de branches qui se trouve au sommet est extraordinairement petite comparativement au tronc ; les feuilles sont aussi fort petites comparativement aux branches. Cette forêt est presque entièrement composée de Kauris ; les plus grands arbres, grâce au parallélisme de leurs côtés, ressemblent à de gigantesques colonnes de bois. Le bois du Kauri est la production la