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WAIMATE.

plus précieuse de l’île ; il sort en outre du tronc une grande quantité de résine qu’on vendait alors 10 centimes la livre aux Américains, il est vrai qu’on n’en connaissait pas l’emploi. Il me semble que quelques-unes des forêts de la Nouvelle-Zélande doivent être absolument impénétrables ; M. Matthews m’a raconté, en effet, qu’il connaît une forêt n’ayant que 34 milles de largeur, qui sépare deux régions habitées et qu’on venait de traverser pour la première fois. Accompagné d’un autre missionnaire, à la tête chacun de cinquante hommes, il essaya de se frayer un passage à travers cette forêt ; ils n’y parvinrent qu’après quinze jours de travail. J’ai vu fort peu d’oiseaux dans les bois. Quant aux animaux, il est très-remarquable qu’une île aussi grande, ayant plus de 700 milles du nord au sud et dans bien des endroits 90 milles de largeur, possédant des situations de toute espèce, un beau climat, des terres situées à toutes les hauteurs jusqu’à 14 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, ne renferme qu’un petit rat en fait d’animal indigène. Plusieurs espèces d’oiseaux gigantesques, appartenant à la famille des Deinornis, semblent avoir remplacé ici les mammifères, de la même façon que les reptiles les remplacent encore dans l’archipel des Galapagos. On dit que le rat commun de Norwége a, en deux ans, détruit le rat de la Nouvelle-Zélande dans toute l’extrémité septentrionale de l’île. J’ai remarqué, dans bien des endroits, plusieurs espèces de plantes que, comme les rats, j’ai été forcé de reconnaître pour des compatriotes. Un poireau a envahi des districts tout entiers ; sans aucun doute il créera bien des embarras, quoiqu’un bâtiment français l’ait importé ici par grande faveur. La barbane commune est aussi fort répandue et portera toujours, je le crois, témoignage de la méchanceté d’un Anglais qui en a donné les graines en échange de graines de tabac.

J’allai dîner avec M. Williams au retour de cette promenade ; il me prêta un cheval pour retourner à la baie des îles. Je quittai les missionnaires en les remerciant vivement de leur gracieuse réception et plein d’admiration pour leur zèle et pour leur dévouement ; il serait très-difficile, je crois, de trouver des hommes plus dignes qu’ils ne le sont du poste important qu’ils ont à remplir.

Jour de Noël. — Dans quelques jours il y aura quatre ans que nous avons quitté l’Angleterre. Nous avons célébré notre première fête de Noël à Plymouth ; la seconde, à la baie de Saint-Martin, auprès du cap Horn ; la troisième, à Port-Desire, en Patagonie ; la