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AUSTRALIE.

pendant des siècles. Mon premier sentiment est de me féliciter d’être Anglais. Quelques jours après, quand la ville me fut mieux connue, mon admiration diminua peut-être bien un peu ; cependant Sydney est une belle ville. Les rues sont régulières, larges, propres et parfaitement entretenues ; les maisons sont grandes, les boutiques bien garnies. On peut comparer cette ville aux immenses faubourgs qui entourent Londres et à quelques autres grandes villes de l’Angleterre ; mais on ne remarque pas, même auprès de Londres et de Birmingham, une croissance aussi rapide. Le nombre de grandes maisons ou d’autres édifices récemment achevés est réellement étonnant ; néanmoins chacun se plaint de la cherté des loyers et de la difficulté qu’il y a à se procurer une maison. J’arrivais de l’Amérique méridionale, où, dans les villes, on connaît immédiatement tous les gens riches ; aussi rien ne me surprenait-il davantage que de ne pas savoir immédiatement à qui appartenait, par exemple, la voiture que je voyais passer.

Je loue un homme et deux chevaux pour me conduire à Bathurst, centre d’une grande région pastorale, situé à environ 120 milles dans l’intérieur. J’espère ainsi me rendre compte de l’aspect général du pays. Je pars le 16 janvier, au matin. Notre première étape nous conduit à Paramatta, petite ville qui ne le cède en importance qu’à Sydney. Les routes sont excellentes ; elles sont faites d’après les procédés indiqués par Mac Adam. Pour les construire, on a fait venir des cailloux de carrières situées à plusieurs milles de distance. Sous bien des rapports on pourrait se croire en Angleterre ; peut-être seulement les cabarets sont-ils plus nombreux ici. Ce qui étonne le plus, ce sont les chaînes des déportés ou des forçats qui ont commis quelque crime dans la colonie ; ils travaillent enchaînés sous la garde de sentinelles qui ont le fusil chargé. Je crois qu’une des principales causes de la prompte prospérité de cette colonie est que le gouvernement, ayant à sa disposition des gens condamnés aux travaux forcés, a pu créer immédiatement de bonnes routes dans toutes les parties du pays. Je passe la nuit dans un petit hôtel très-confortable, situé près du bac d’Emu, à 35 milles de Sydney, au pied des montagnes Bleues. Cette route est très-fréquentée ; c’est la première qui ait été ouverte dans la colonie. Toutes les propriétés sont entourées de hautes palissades, car les fermiers ne sont pas encore parvenus à faire pousser des haies. On rencontre à chaque instant des maisons à l’aspect extrêmement confortable ; beaucoup de pièces de terre sont culti-