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AUSTRALIE.

arbres dans l’abîme que l’on a au-dessous de ses pieds. Cette muraille est si continue, que, si l’on veut atteindre le pied de la cataracte formée par le petit ruisseau, on est obligé de faire un détour de 16 milles. Devant soi, à environ 5 milles, on voit une autre ligne de falaises qui paraît complètement fermer la vallée, ce qui justifie le nom de baie donné à cette immense dépression. Si l’on s’imagine un port dans lequel on ne peut entrer qu’après de nombreux détours et qui est entouré par des falaises taillées à pic, que ce port ait été desséché, et que l’eau en ait été remplacée par une forêt, on aura absolument l’idée de cette dépression. C’était la première fois que je voyais quelque chose de semblable, et j’ai été frappé de la magnificence du spectacle.

Dans la soirée nous atteignons le Blackheath (Bruyère noire). Le plateau de grès a atteint ici une altitude de 3 400 pieds ; il est toujours couvert d’arbres rabougris. On aperçoit de temps en temps une profonde vallée ressemblant à celle que je viens de décrire ; mais la profondeur de ces vallées est telle, et les côtés en sont si escarpés, que c’est à peine si on peut en distinguer le fond. Le Blackheath est une auberge très-confortable tenue par un vieux soldat, elle me rappelle les petites auberges du nord du pays de Galles.

18 janvier. — Dans la matinée je me rends à 3 milles de distance pour voir le saut de Govett, vallée ressemblant beaucoup à celle que j’ai décrite auprès du Weatherboard, mais peut-être plus étonnante encore. À sept heures, cette vallée est remplie de vapeurs bleues qui, tout en nuisant à l’effet général du spectacle, font paraître plus grande encore la profondeur à laquelle se trouve la forêt qui s’étend à nos pieds. Ces vallées, qui ont pendant si longtemps opposé une barrière insurmontable aux colons les plus entreprenants qui se dirigeaient vers l’intérieur, sont extrêmement remarquables. Des vallons qui ressemblent à de véritables bras, s’élargissant à leur extrémité supérieure, partent souvent de la vallée principale et pénètrent dans le plateau de grès ; d’autre part, le plateau forme souvent des promontoires dans ces vallées et laisse quelquefois au milieu d’elles des masses immenses presque isolées. Pour descendre dans quelques-unes de ces vallées on est souvent obligé de faire un détour de 20 milles ; il en est dans lesquelles on a pénétré tout dernièrement pour la première fois et où les colons n’ont pas pu encore conduire leurs bestiaux. Mais le caractère le plus singulier de leur conformation est que, bien qu’elles aient quelquefois plusieurs milles de largeur à une de leurs extré-