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IMMENSES VALLÉES.

mités, elles se rétrécissent ordinairement à l’autre extrémité, et cela de telle façon qu’un homme ne peut en sortir. L’inspecteur général Sir T. Mitchell[1] essaya en vain, en marchant d’abord, puis en rampant entre des masses de grès, de traverser la gorge par laquelle la rivière Grose va rejoindre le Nepean ; cependant la vallée du Grose dans sa partie supérieure, où je l’ai vue, forme un magnifique bassin presque de niveau ayant plusieurs milles de largeur, entouré de toutes parts par des falaises dont les sommets ne se trouvent jamais à moins de 3 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. On a fait descendre par un sentier que j’ai suivi, sentier en partie naturel, en partie taillé par le propriétaire dans la vallée du Wolgan, des bestiaux qui ne peuvent plus en sortir, car cette vallée est, dans toutes ses autres parties, entourée par des falaises perpendiculaires ; 8 milles plus loin, cette vallée, qui a une largeur moyenne d’un demi-mille, se rétrécit à tel point, que ni hommes ni bêtes ne peuvent traverser la coupure qui la fait communiquer avec une vallée voisine. Sir T. Mitchell affirme que la grande vallée qui contient la rivière Cox et tous ses affluents se rétrécit, à l’endroit où elle rejoint la vallée du Nepean, de façon à former une gorge ayant 2 200 mètres de largeur et près de 1 000 pieds de profondeur. Je pourrais citer bien d’autres cas analogues.

La première impression que l’on ressente, en voyant les couches horizontales se reproduire exactement de chaque côté de ces immenses dépressions, est qu’elles ont été creusées, comme toutes les autres vallées, par l’action des eaux. Mais, quand on réfléchit à l’énorme quantité de pierres qui, en admettant cette supposition, aurait dû être entraînée à travers des gorges si étroites qu’un homme ne peut souvent y passer, on en arrive à se demander si ces dépressions ne proviennent pas plutôt d’un affaissement. D’autre part, si l’on considère la forme irrégulière des vallons qui se détachent de la vallée principale, si l’on considère les promontoires étroits que forme le plateau dans ces vallées, on est forcé de rejeter cette explication. Il serait absurde d’attribuer ces dépressions à l’action des eaux actuelles ; ces eaux, provenant du drainage du plateau, ne tombent pas toujours d’ailleurs, comme je l’ai remarqué auprès du Weatherboard, à l’endroit qui forme la tête de ces

  1. Travels in Australia, vol. I, p. 154. Je saisis cette occasion pour remercier Sir T. Mitchell des détails intéressants qu’il m’a donnés sur ces grandes vallées de la Nouvelle-Galles du Sud.