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AUSTRALIE.

animaux ont disparu devant le lévrier anglais. Il se peut qu’il se passe encore fort longtemps avant qu’ils soient complètement exterminés, mais leur disparition est certaine. Les indigènes demandent toujours à emprunter les chiens des fermiers ; ceux-ci les leur prêtent, leur donnent les morceaux de rebut des animaux qu’ils peuvent tuer et quelques gouttes de lait, et ce sont là les moyens qu’ils emploient pour pénétrer pacifiquement de plus en plus loin vers l’intérieur. Les indigènes, aveuglés par ces piètres avantages, sont heureux de voir s’avancer l’homme blanc qui semble destiné à s’emparer de leur pays.

Bien que notre chasse soit si malheureuse, la course n’en est pas moins agréable. Les arbres sont si espacés, qu’on peut facilement galoper à travers les forêts. Le pays est entrecoupé de quelques vallées à fond plat où l’on ne trouve que du gazon, aussi se croirait-on dans un parc. De toutes parts on voit les marques du feu ; cela donne au paysage une uniformité désespérante, car la seule différence consiste en ce que ces traces sont plus ou moins récentes, en ce que les troncs d’arbres sont plus ou moins noirs. Il y a fort peu d’oiseaux dans ces bois ; j’ai cependant vu de grandes bandes de cacatois blancs dans un champ de blé, et quelques magnifiques perroquets ; on trouve assez fréquemment des corneilles qui ressemblent à nos choucas et un autre oiseau qui ressemble un peu à la pie. Dans la soirée je vais me promener auprès d’étangs qui, dans ce pays si sec, représentent le lit d’une rivière ; j’ai la chance d’apercevoir plusieurs spécimens de ce mammifère fameux, l’Ornithorhynchus paradoxus. Ils plongeaient ou se jouaient à la surface de l’eau, mais on voyait si peu leur corps, qu’on aurait pu facilement les prendre pour des rats d’eau. M. Browne en tua un ; c’est certainement un animal fort extraordinaire, les spécimens empaillés ne peuvent pas donner une bonne idée de la tête et du bec, car ce dernier se contracte en durcissant[1].

20 janvier. — Une longue journée à cheval me conduit à Bathurst.

  1. J’ai trouvé, en ce même endroit, le trou conique d’un fourmi-lion ou de quelque autre insecte analogue. J’y vis d’abord tomber une mouche qui disparut immédiatement ; puis une grosse fourmi ; celle-ci fit les efforts les plus violents pour s’échapper, et je pus observer alors cette espèce de bombardement avec des grains de sable dont ont parlé Kirby et Spence (Entomol., vol. I, p. 425). Mais la fourmi fut plus heureuse que la mouche ; elle échappa aux terribles mâchoires cachées à la base du trou conique. Ce trou australien n’a à peu près que la moitié de la grandeur de ceux que fait le fourmi-lion européen.