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JARDIN BOTANIQUE.

de telle sorte que l’épine pectorale se tend et vient reposer sur le bord de son fourreau. L’insecte continue ce mouvement en arrière, en employant toute son énergie musculaire, jusqu’à ce que l’épine pectorale, se tende comme un ressort, et en ce moment il repose sur l’extrémité de sa tête et de ses élytres. Tout à coup il se laisse aller, la tête et le thorax se soulèvent et, en conséquence, la base des élytres vient frapper avec tant de force la surface sur laquelle il s’est posé, qu’il rebondit à la hauteur de 1 ou de 2 pouces. Les pointes avancées du thorax et le fourreau de l’épine servent à maintenir le corps entier pendant le saut. Dans les descriptions que j’ai lues, il me semble qu’on n’a pas assez appuyé sur l’élasticité de l’épine ; un saut aussi soudain ne peut pas être le résultat d’une simple contraction musculaire, sans l’aide de quelque moyen mécanique.

Pendant mon séjour, je ne manquai pas de faire de courtes, mais fort agréables excursions, dans le voisinage. Un jour, je me rendis au Jardin botanique, où l’on peut voir bien des arbres connus pour leur grande utilité. Le camphrier, le poivrier, le cannellier et le giroflier portent des feuilles qui répandent un arôme délicieux ; l’arbre à pain, le jaca et le mango rivalisent par la magnificence de leur feuillage. Dans le voisinage de Bahia, le paysage est surtout remarquable à cause de la présence de ces deux derniers arbres. Avant de les voir, je ne me serais certes pas figuré qu’un arbre pût projeter sur le sol une ombre aussi épaisse. Ces deux arbres ont, avec les arbres toujours verts de ces climats, le même rapport que le laurier et le houx en Angleterre ont avec les espèces décidues d’un vert plus clair. On peut remarquer que, dans les régions intertropicales, les arbres les plus magnifiques entourent les maisons ; c’est sans doute parce que ces arbres sont aussi les plus utiles. En effet, le bananier, le cocotier, les nombreuses espèces de palmiers, l’oranger, l’arbre à pain réunissent en eux ces qualités au suprême degré.

Un jour, une remarque de Humboldt me frappa tout particulièrement. Le grand voyageur fait souvent allusion « aux légères vapeurs qui, sans nuire à la transparence de l’air, rendent les teintes plus harmonieuses et adoucissent les contrastes ». C’est là un phénomène que je n’ai jamais observé dans les zones tempérées. L’atmosphère reste parfaitement transparente jusqu’à une distance d’un demi-mille ou de trois quarts de mille ; mais, si on regarde à une plus grande distance, toutes les couleurs se fondent dans un