Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
RIO DE JANEIRO.

flou admirable, gris mélangé d’un peu de bleu. L’état de l’atmosphère avait subi peu de modifications depuis le matin jusqu’à midi, heure à laquelle le phénomène se développa dans tout son éclat ; sauf toutefois en ce qui concernait le degré de sécheresse, car, dans l’intervalle, la différence entre le point de la rosée et la température s’était augmenté de 7°,5 à 17 degrés.

Une autre fois, je partis de grand matin et me rendis à la Gavia ou montagne du hunier. La fraîcheur était délicieuse, l’air était tout embaumé ; les gouttes de rosée brillaient encore sur les feuilles des grandes liliacées qui ombrageaient de petits ruisseaux d’eau limpide. Assis sur un bloc de granit, quel plaisir n’éprouvais-je pas à observer les insectes et les oiseaux qui volaient autour de moi ! Les oiseaux-mouches affectionnent tout particulièrement ces endroits solitaires et ombragés. Quand je voyais ces petites créatures bourdonner autour d’une fleur, en faisant vibrer si rapidement leurs ailes qu’à peine on pouvait les distinguer, je ne pouvais m’empêcher de me rappeler les papillons sphinx ; il y a, en effet, la plus grande analogie entre leurs mouvements et leurs habitudes.

Je suivis un sentier qui me conduisit dans une magnifique forêt, et bientôt se déroula à mes regards éblouis une de ces vues admirables si communes dans les environs de Rio. Je me trouvais à une hauteur d’environ 500 ou 600 pieds ; à cette élévation, le paysage revêt ses teintes les plus brillantes ; les formes, les couleurs surpassent si complètement en magnificence tout ce que l’Européen a pu voir dans son pays, qu’il se trouve à court d’expressions pour peindre ce qu’il ressent. L’effet général me rappelait les décors les plus brillants de l’Opéra. Je ne revenais jamais les mains vides de ces excursions. Cette fois, je trouvai un spécimen d’un curieux champignon appelé hymenophallus. Tout le monde connaît le phallus anglais qui, en automne, empeste l’air de son abominable odeur ; quelques-uns de nos scarabées cependant, comme le savent les entomologistes, considèrent cette odeur comme un parfum délicieux. Il en est de même ici, car un Strongylus, attiré par l’odeur, vint se poser sur le champignon que je portais à la main. Ce fait nous permet de constater des rapports analogues dans deux pays fort éloignés l’un de l’autre, entre des plantes et des insectes appartenant aux mêmes familles, bien que les espèces soient différentes. Quand l’homme est l’agent introducteur d’une nouvelle espèce dans un pays, ce rapport disparaît souvent : je puis citer