Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
477
TERRE DE VAN-DIÉMEN.

pour lui une longue suite de misères et de persécutions. Il ne faut pas oublier non plus le mauvais exemple, les vices engendrés par l’entassement dans les prisons et à bord des transports. En somme, la transportation n’a pas atteint le but qu’on se proposait, si on l’examine uniquement au point de vue de la peine ; elle n’a pas non plus atteint ce but, si on l’examine au point de vue de la moralisation, mais, dans ce cas, tout autre système aurait sans doute échoué aussi. Elle a réussi, au contraire, dans une mesure plus grande qu’on ne pouvait peut-être l’espérer comme moyen de donner à des criminels l’air d’honnêtes gens, et comme moyen de convertir des vagabonds absolument inutiles dans un hémisphère, en citoyens si actifs dans un autre hémisphère, qu’ils ont créé un pays magnifique et un grand centre de civilisation.

30 Janvier 1836. — Le Beagle met à la voile pour se rendre à Hobart Town dans la terre de Van-Diémen. Le 5 février, après une traversée de six jours, dont la première partie a été belle, mais dont la seconde a été froide et désagréable, nous entrons dans la baie des Tempêtes ; le temps qu’il fait justifie admirablement cette terrible appellation. Cette baie devrait plutôt porter le nom d’estuaire, car elle reçoit les eaux du Derwent. Auprès de l’embouchure se trouvent des plateaux de basalte fort élevés ; mais plus loin le sol devient montagneux et est recouvert de forêts peu épaisses. Le flanc des collines qui entourent la baie est cultivé ; les champs de blé et de pommes de terre paraissent fort prospères. Dans la soirée, nous jetons l’ancre dans une jolie petite baie, sur les bords de laquelle s’élève la capitale de la Tasmanie. L’aspect de cette ville est bien inférieur à celui de Sydney. Hobart Town est situé au pied du mont Wellington, montagne s’élevant à 3 100 pieds de hauteur, mais fort peu pittoresque. Autour de la baie on voit de beaux magasins et un tout petit fort. Quand on quitte les colonies espagnoles, où les fortifications sont ordinairement si magnifiques, on est frappé malgré soi de l’insuffisance des moyens de défense de nos colonies. Comparativement à ce que j’avais vu à Sydney, ce qui m’étonne le plus c’est le petit nombre des grands édifices existant déjà ou en construction. D’après le recensement de 1833, Hobart Town contient 13 826 habitants et la Tasmanie entière en contient 36 503.

On a transporté tous les indigènes sur une île dans le détroit de Bass, de telle sorte que la terre de Van-Diémen offre cet immense