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PUITS A NIVEAU VARIABLE.

C’est sur cette île que sont situées les sources où les bâtiments peuvent se procurer de l’eau. Il paraît fort singulier tout d’abord que l’eau douce monte et descende avec la marée ; on a été jusqu’à s’imaginer que l’eau de ces puits n’est que de l’eau de mer débarrassée de son principe salin par la filtration à travers le sable. Les puits participant aux mouvements de la marée sont très-communs dans quelques-unes des îles basses des Indes occidentales. L’eau de mer pénètre dans le sable comprimé ou dans les rochers poreux de corail comme dans une éponge ; or, la pluie qui tombe à la surface doit s’abaisser jusqu’au niveau de la mer environnante et s’y accumuler en déplaçant un volume égal d’eau salée. À mesure que l’eau qui se trouve dans la partie inférieure de cette grande masse de coraux qu’on pourrait comparer à une éponge, monte et descend avec la marée, l’eau située plus près de la surface doit suivre le même mouvement ; cette eau reste douce si elle est en masse assez compacte pour qu’il ne se fasse trop de mélange mécanique. Mais, partout où le sol est formé de gros blocs de corail, si l’on creuse un puits, on n’obtient que de l’eau saumâtre.

Nous restons après dîner pour voir une scène à moitié superstitieuse que jouent les femmes indigènes. Une grande cuiller de bois, portant des vêtements, transportée sur la tombe de l’un des leurs, reçoit, disent-elles, des inspirations à la pleine lune et se met à danser. Après quelques préparatifs, la cuiller, soutenue par deux femmes, s’agita de mouvements convulsifs et se mit à danser en suivant la mesure du chant des femmes et des enfants. C’était un spectacle absurde ; toutefois M. Liesk soutient que la plupart des Malais croient au mouvement spontané de la cuiller. La danse ne commence qu’après le lever de la lune ; je ne regrettai pas d’être resté, car c’était un magnifique spectacle que de voir la lune briller à travers les longues branches des cocotiers, faiblement agités par la brise du soir. Ces scènes des tropiques sont si délicieuses, qu’elles égalent presque les scènes de la patrie, qui nous sont chères à tant de titres.

Le lendemain, j’étudie l’origine et la formation si simple et cependant si intéressante de ces îles. La mer étant extrêmement calme, je m’avance jusqu’aux bancs de coraux vivants sur lesquelles viennent se briser les grandes lames ; je remarque de toutes parts de magnifiques poissons verts et d’admirables Zoophytes, admirables au point de vue de la forme et de la couleur. Je comprends parfaitement qu’on ressente un vif enthousiasme à la