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ILES DE CORAIL.

l’appareil osseux qui se trouve à l’intérieur de leur corps semble parfaitement adapté à ce but. Les Holothuries, les poissons dont nous venons de parler, les nombreux coquillages fouisseurs, les vers néréides, qui transpercent tous les blocs de corail mort, doivent être les agents producteurs du beau sable blanc qui se trouve au fond et sur les côtes du lagoon. Le professeur Ehrenberg a reconnu toutefois qu’une partie de ce sable, qui ressemble beaucoup à de la craie écrasée quand il est mouillé, est composée d’infusoires à carapace de silice.

12 avril. — Nous quittons l’île Keeling dans la matinée pour nous rendre à l’Île de France ; je suis heureux que nous ayons visité ces îles, car de semblables formations méritent presque le nom de merveilles du monde. Le capitaine Fitz-Roy n’a pas trouvé de fond avec une ligne de 7 200 pieds de longueur à la distance de 2 000 mètres seulement de la côte. Cette île forme donc une montagne sous-marine élevée, dont les flancs sont plus abrupts que ceux du cône volcanique le plus escarpé. Le sommet, en forme de soucoupe, a près de 10 milles de largeur ; or, chaque atome[1] de cet immense édifice, depuis le plus petit morceau de rocher jusqu’au plus gros, porte la preuve qu’il résulte d’arrangements organiques, et, quelque considérable que soit cet entassement, il est insignifiant comparativement à beaucoup d’autres que l’on connaît. Nous ressentons quelque surprise quand les voyageurs nous parlent des dimensions des pyramides et de quelques autres grandes ruines, mais les plus grandes de ces ruines sont bien insignifiantes quand on les compare à ces montagnes de pierres accumulées par de petits animaux ! Ces merveilles sont telles, qu’elles ne frappent pas tout d’abord les yeux et qu’il faut la réflexion pour qu’on puisse arriver à en saisir toute la grandeur.

Je vais discuter brièvement les trois grandes classes de récifs de corail, c’est-à-dire les attols, les récifs barrières et les récifs bordures et expliquer en quelques mots mon opinion sur leur formation[2]. Presque tous les voyageurs qui ont traversé le Paci-

  1. J’en excepte, bien entendu, quelques terrains qui ont été importés de Malacca et de Java et quelques petits fragments de pierre ponce apportés par les vagues. J’en excepte aussi le bloc de grès dont j’ai parlé.
  2. Ce sujet a fait l’objet d’une communication que j’ai lue à la Société géologique en mai 1837 ; j’ai depuis développé ces vues dans un volume séparé sur la Structure et la Distribution des récifs de corail.