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ILES DE CORAIL.

pieds à la fois, soit insensiblement, nous pouvons conclure, d’après ce que nous savons des conditions favorables à la croissance du corail, que les masses vivantes baignées par l’écume sur le bord du récif atteindront bientôt la surface. Cependant l’eau gagnera peu à peu sur la côte, l’île se rétrécissant de plus en plus, et l’espace compris entre le bord intérieur du récif et la côte de l’île augmentant continuellement. Les lignes pointillées de la gravure représentent le récif et l’île dans cet état, après un affaissement de plusieurs centaines de pieds. On suppose que des îlots se sont formés sur le récif et qu’un vaisseau est à l’ancre dans le canal. Ce canal sera plus ou moins profond selon que l’affaissement aura été plus ou moins rapide, selon que la quantité de sédiment qui s’y est accumulée sera plus ou moins considérable, selon que le corail aux branches délicates s’y développera plus ou moins bien. La gravure dans cet état ressemble, sous tous les rapports, à la coupe d’une île entourée par un récif ; en somme, c’est la coupe réelle de l’île Bolabola, dans le Pacifique, à l’échelle de 0,517 de pouce par mille. On s’explique actuellement pourquoi les récifs barrières se trouvent si loin des côtes qu’ils environnent. On comprend aussi qu’une ligne perpendiculaire allant du sommet du bord extérieur du nouveau récif jusqu’aux rochers qui se trouvent au-dessous du vieux récif bordure aura autant de pieds en plus de la petite profondeur à laquelle peuvent vivre les Polypes qu’il y a eu de pieds d’affaissement ; à mesure que l’ensemble de l’île s’affaisse, les petits architectes continuent d’édifier leur grande digue en prenant pour point d’appui les coraux déjà construits et leurs fragments consolidés. Ainsi disparaît la difficulté qui paraissait si grande de ce chef.

Si au lieu d’une île nous avions étudié la côte d’un continent bordé de récifs, si nous avions supposé que ce continent se soit affaissé, il en serait évidemment résulté une grande barrière droite comme celle de l’Australie ou celle de la Nouvelle-Calédonie, séparée de la terre ferme par un canal large et profond.

Examinons actuellement notre récif barrière, dont la coupe est maintenant représentée par les lignes pleines de la gravure suivante, qui, comme je l’ai dit, est une coupe réelle de Bolabola ; supposons que l’affaissement continue. À mesure que le récif ceinture s’enfonce, les coraux se développent vigoureusement, remontant toujours vers la surface ; mais, à mesure aussi que l’île s’affaisse, l’eau recouvre le sol ; les montagnes isolées forment d’abord des îles séparées à l’intérieur d’un grand récif, puis enfin le point le plus élevé