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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/537

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SAINTE-HÉLÈNE.

chapitre très-curieux aux changements qu’ont subis les plaines élevées de Longwood et de Deadwood. Ces deux plaines, dit-on, étaient autrefois recouvertes de forêts qui portaient le nom de Grandes Forêts. En 1710 il y avait encore beaucoup d’arbres ; mais en 1724 les vieux arbres étaient presque tous tombés, et tous les jeunes arbres avaient été tués par les chèvres et les cochons que l’on avait laissé errer de toutes parts. S’il faut en croire les documents officiels, la forêt a été presque tout à coup remplacée, quelques années plus tard, par des herbages grossiers qui se sont emparé de presque toute la surface[1]. Le général Beatson ajoute que cette plaine est aujourd’hui couverte par de beaux pâturages, les plus beaux de l’île. On estime à 2 800 acres au moins la superficie qui était autrefois couverte par la forêt ; on ne trouve plus aujourd’hui un seul arbre dans tout cet espace. On dit aussi qu’en 1709 il y avait une grande quantité d’arbres morts dans la baie Sandy ; cet endroit est aujourd’hui si aride, qu’il m’a fallu voir un document officiel pour que je puisse croire que des arbres y eussent jamais poussé. En résumé, il semble prouvé que les chèvres et les cochons ont détruit tous les jeunes arbres à mesure qu’ils poussaient, et que les vieux arbres, qui étaient à l’abri de leurs attaques, disparurent les uns après les autres. Les chèvres ont été introduites dans l’île en 1502 ; quatre-vingt-six ans plus tard, à l’époque de Cavendish, elles étaient devenues extrêmement nombreuses. Plus d’un siècle après, en 1731, alors que le mal était complet et irrémédiable, on fit détruire tous les animaux vagabonds. Il est fort intéressant de voir que l’arrivée des animaux à Sainte-Hélène, en 1501, n’a pas modifié l’aspect de l’île ; ce changement ne s’est effectué qu’après une période de deux cent vingt ans, car les chèvres ont été introduites en 1502, et c’est en 1724 que l’on s’aperçut que les vieux arbres étaient presque tous tombés. Il est certain que ce grand changement de végétation a non-seulement affecté les coquillages terrestres en causant l’extinction de huit espèces, mais a affecté aussi une multitude d’insectes.

Sainte-Hélène excite notre curiosité en ce que, située si loin de tout continent, au milieu d’un grand océan, elle possède une flore unique. Les huit coquillages terrestres, bien qu’éteints aujourd’hui, et une Succinea vivante sont des espèces particulières qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Toutefois, M. Cuming m’informe qu’une Hélix anglaise y est aujourd’hui commune ; il est plus que pro-

  1. Beatson, Santa-Helena, Introduction, p. 4.