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SAINTE-HÉLÈNE.

liberté est complète, droit que les habitants estiment à sa juste valeur, il est probable que la population va augmenter ; s’il en est ainsi, que deviendra cette petite île de Sainte-Hélène ?

Mon guide, homme assez âgé, avait été dans sa jeunesse gardeur de chèvres ; il connaît admirablement les moindres recoins des rochers. Appartenant à une race croisée bien des fois, et bien qu’ayant une peau fort bronzée, il n’a pas l’expression désagréable du mulâtre. Il est très-poli, très-tranquille, caractère qui semble distinguer la plupart des habitants de cette île. Ce n’est pas sans une étrange sensation que j’entendais cet homme, presque blanc, habillé de façon convenable, me parler avec indifférence du temps où il était esclave. Il porte mon dîner et une corne remplie d’eau, ce qui est indispensable, car on ne trouve que de l’eau saumâtre dans les vallées inférieures, et je fais chaque jour avec lui de longues promenades.

Au-dessous du plateau central, élevé et couvert de verdure, les vallées sont absolument sauvages, arides et inhabitées. Le géologue trouve là des scènes du plus haut intérêt, car elles indiquent des changements successifs et des troubles extraordinaires. Selon moi, Sainte-Hélène a existé comme île depuis une période très-ancienne ; on retrouve encore cependant quelques preuves du soulèvement des terres. Je crois que les pics élevés du centre de l’île font partie d’un immense cratère dont le côté méridional a été entièrement balayé par la mer ; il y a, en outre, un mur extérieur de roches noires basaltiques, ressemblant aux montagnes de l’île Maurice, plus anciennes que les coulées centrales volcaniques. Sur les parties les plus élevées de l’île on trouve en nombre considérable, enfoui dans le sol, un coquillage qu’on a longtemps regardé comme une espèce marine. C’est un Cochlogena, coquillage terrestre d’une forme toute particulière[1]. J’ai trouvé six autres espèces de coquillages, et dans un autre endroit une huitième espèce. Fait remarquable, on ne trouve plus ces coquillages vivants. Leur extinction provient probablement de la destruction des forêts, qui a eu lieu au commencement du siècle dernier, ce qui leur a fait perdre et leurs aliments et leurs abris.

Le général Beatson, en écrivant l’histoire de l’île, consacre un

  1. Il est à remarquer que les nombreux spécimens de ce coquillage trouvés par moi en un endroit diffèrent, comme variété distincte, d’autres spécimens trouvés dans un autre endroit.