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L’ASCENSION.

comme la souris ordinaire, qui est aussi devenue sauvage, ont été importés et que, comme aux îles Galapagos, ils ont varié en raison des effets des nouvelles conditions auxquelles ils ont été exposés ; en conséquence, la variété qui se trouve au sommet de l’île diffère de celle qui se trouve sur la côte. Il n’y a pas d’oiseaux indigènes dans cette île ; cependant la poule de Guinée, qui a été importée des îles du Cap-Vert, est fort commune et, comme les volailles ordinaires, est aussi redevenue sauvage. Des chats qui avaient été anciennement importés pour détruire les rats et les souris, se sont multipliés à tel point, qu’ils causent de grands dommages. Il n’y a pas un seul arbre dans l’île et, sous ce rapport, comme sous beaucoup d’autres, elle est de beaucoup inférieure à Sainte-Hélène.

Une de mes excursions me conduisit vers l’extrémité sud-ouest de l’île. Il faisait très-beau et très-chaud et je vis alors l’île non pas dans toute sa beauté, mais dans toute sa nudité et dans toute sa laideur. Les coulées de lave sont rugueuses à un point qu’il est difficile d’expliquer géologiquement. Les espaces qui les séparent disparaissent sous des couches de pierre ponce, de cendres et de tufs volcaniques. À notre arrivée, et pendant que de la mer nous apercevions cette partie de l’île, je ne pouvais me rendre compte de ce qu’étaient les taches blanches que je voyais de toutes parts ; j’eus alors l’explication de ce fait : ce sont des oiseaux de mer qui dorment si pleins de confiance, qu’un homme peut aller se promener au milieu d’eux en plein jour et en attraper autant qu’il veut. Ces oiseaux sont les seules créatures vivantes que j’aie vues pendant toute la journée. Sur le bord de la mer, bien que le vent fût très-faible, les lames se brisaient avec fureur sur les laves.

La géologie de cette île est intéressante sous bien des rapports. J’ai remarqué dans bien des endroits des bombes volcaniques, c’est-à-dire des masses de laves projetées en l’air à l’état fluide et qui ont en conséquence pris une forme sphérique. Leur forme extérieure et, dans bien des cas, leur structure intérieure prouvent, de la façon la plus curieuse, qu’elles ont tourné sur elles-mêmes pendant leur voyage aérien. Le dessin ci-dessous représente la structure intérieure d’une de ces bombes. La partie centrale est grossièrement cellulaire. La grandeur des cellules décroît vers l’extérieur ; on trouve alors une espèce de coquille en pierre compacte, ayant environ un tiers de pouce d’épaisseur, recouverte à son tour d’une croûte de lave cellulaire. On ne peut douter que la croûte extérieure s’est rapidement refroidie pour se solidifier dans