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PERNAMBOUC.

se trouve située à une des extrémités de cette chaîne. Un jour je prends un canot et je me rends dans cette ville, qui, en raison de sa situation, est plus propre et plus agréable que Pernambouc. Je dois rapporter ici un fait qui se présente pour la première fois depuis près de cinq ans que je suis en voyage, c’est-à-dire que je trouve des gens peu aimables et peu polis ; on me refuse de la façon la plus grossière, dans deux maisons différentes, la permission de traverser des jardins pour me rendre à une colline non cultivée afin de voir le pays ; c’est avec grande peine que j’obtiens cette permission dans une troisième maison. Je suis heureux que cela me soit arrivé au Brésil ; je n’aime pas ce pays, parce que c’est une terre où règne l’esclavage. Un Espagnol aurait été honteux de refuser une semblable demande et de se conduire aussi impoliment envers un étranger. Le canal qui conduit à Olenda est bordé de chaque côté de palétuviers qui croissent sur les bancs de boue et qui forment une espèce de forêt en miniature. Le vert brillant de ces arbres me rappelle toujours les herbes si vertes des cimetières ; ces dernières rappellent la mort, les autres indiquent trop souvent, hélas ! la mort qui va nous surprendre.

L’objet le plus curieux que j’aie vu dans ce voisinage est le récif qui forme le port. Je ne crois pas qu’il y ait dans le monde entier une autre formation naturelle qui ait un aspect aussi artificiel. Ce récif s’étend sur une longueur de plusieurs milles en ligne absolument droite, à peu de distance de la côte. Sa largeur varie entre 30 et 60 mètres, son sommet est plat et uni, il est formé de grès fort dur, dans lequel il est à peine possible de distinguer les couches. À la marée haute les vagues se brisent sur ce récif ; à la marée basse, le sommet est à sec et on pourrait le prendre pour un brise-lames élevé par des cyclopes. Sur cette côte les courants tendent à rejeter les sables sur la terre et c’est sur des sables ainsi rapportés qu’est construite la ville de Pernambouc. Un long dépôt de cette nature semble s’être consolidé anciennement par l’adjonction de matières calcaires ; soulevées graduellement plus tard, les parties friables semblent avoir été enlevées par les vagues et le noyau solide est resté tel que nous le voyons aujourd’hui. Bien que les eaux de l’Atlantique, chargées de détritus, viennent se briser nuit et jour contre le flanc escarpé de ce mur de pierre, les plus vieux pilotes ne peuvent remarquer aucun changement dans son aspect. Cette durée est un des faits les plus curieux de son histoire ; elle est due à un revêtement fort dur de matières calcaires n’ayant