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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/65

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cune partie de la province, et je ne sache pas que les anciens habitants aient laissé derrière eux de souvenirs plus permanents que ces insignifiants amas de pierres sur le sommet de la sierra de las Animas.

Il y a peu d’arbres dans le Banda oriental ; on pourrait même dire qu’il n’y en a pas du tout, et c’est là un fait fort remarquable. On rencontre des buissons rabougris sur une partie des collines rocheuses ; sur les bords des cours d’eau les plus considérables, surtout au nord de Las Minas, on trouve un assez grand nombre de saules. J’ai appris qu’il y avait un bois de palmiers auprès de l’Arroyo Tapes ; j’ai vu d’ailleurs, près de Pan de Azucar, par 35 degrés de latitude, un palmier ayant une hauteur considérable. En dehors de ces quelques arbres et de ceux plantés par les Espagnols, le bois fait absolument défaut. Au nombre des espèces introduites par les Européens, on peut compter le peuplier, l’olivier, le pêcher et quelques autres arbres fruitiers ; le pêcher a si bien réussi, que c’est là le seul bois à brûler que l’on puisse trouver dans la ville de Buenos-Ayres. Les pays absolument plats, tels que les Pampas, paraissent peu favorables à la croissance des arbres. À quoi attribuer ce fait ? Peut-être à la force des vents, peut-être aussi au mode de drainage. Mais on ne peut expliquer par ces causes l’absence d’arbres dans le voisinage de Maldonado ; les collines rocheuses qui entrecoupent cette région offrent des abris, et on y trouve différentes sortes de terrains ; il y a ordinairement un ruisseau au fond de chaque vallée, et la nature argileuse du sol semble le rendre parfaitement propre à conserver une humidité suffisante. On a pensé, et c’est là une déduction fort probable en soi, que la quantité annuelle d’humidité détermine la présence des forêts[1] ; or, dans cette province, il tombe des pluies abondantes et fréquentes pendant l’hiver, et l’été, bien que sec, ne l’est pas à un degré excessif[2]. Des arbres immenses couvrent la presque totalité de l’Australie ; cependant le climat de ce pays est beaucoup plus aride. Cette absence d’arbres dans le Banda oriental doit donc tenir à quelque autre cause inconnue.

Si l’on ne considérait que l’Amérique du Sud, on serait tenté de croire que les arbres ne croissent que sous un climat fort humide ; la limite des forêts coïncide, en effet, très-singulièrement avec celle des vents humides. Dans la partie méridionale de

  1. Maclaren, art. America, Encyclopœdia Britannica.
  2. Azara dit : « Je crois que la quantité annuelle des pluies est, dans toutes ces contrées, plus considérable qu’en Espagne. » Vol. I, p. 36.