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MALDONADO.

peut se comparer au son du g guttural espagnol suivi par un double rr ; quand il pousse ce cri, il élève la tête de plus en plus, jusqu’à ce qu’enfin, le bec tout grand ouvert, le sommet de sa tête touche presque la partie inférieure de son dos. On a contesté ce fait, mais j’ai pu observer fréquemment ces oiseaux la tête si fort renversée en arrière, qu’ils forment presque un cercle. Je puis ajouter à ces observations, en m’appuyant sur la haute autorité d’Azara, que le carrancha se nourrit de vers, de coquillages, de limaces, de sauterelles et de grenouilles ; qu’il tue les jeunes agneaux en leur arrachant le cordon ombilical, et qu’il poursuit le gallinazo avec tant d’acharnement, que ce dernier est obligé de rejeter la charogne dont il a pu se gorger récemment. Azara affirme enfin que cinq ou six carranchas se réunissent souvent pour donner la chasse à de gros oiseaux et même à des hérons. Tous ces faits prouvent que cet oiseau est fort versatile dans ses goûts et qu’il est doué d’une grande ingénuité.

Le Polyborus chimango est beaucoup plus petit que l’espèce précédente. C’est un oiseau véritablement omnivore, il mange de tout, même du pain, et on m’a affirmé qu’il dévaste les champs de pommes de terre à Chiloé, en arrachant les tubercules qu’on vient de planter. De tous les mangeurs de charogne, c’est lui qui quitte ordinairement le dernier le cadavre d’un animal ; bien souvent même, j’en ai vu, à l’intérieur des côtes d’un cheval ou d’une vache ; on aurait dit un oiseau dans une cage. Le Polyborus Novæ Zelandiæ est une autre espèce fort commune dans les îles Falkland. Ces oiseaux ressemblent aux carranchas sous presque tous les rapports. Ils se nourrissent de cadavres et d’animaux marins ; sur les rochers de Ramirez ils doivent même demander toute leur nourriture à la mer. Extrêmement hardis, ils fréquentent le voisinage des maisons pour s’emparer de tout ce que l’on peut jeter au dehors. Dès qu’un chasseur tue un animal, ils se rassemblent autour de lui en grand nombre pour se précipiter sur ce que l’homme pourra abandonner et attendent patiemment, pendant des heures s’il le faut. Dès qu’ils se sont gorgés, leur jabot dénudé se gonfle, ce qui leur donne un aspect dégoûtant. Ils attaquent volontiers les oiseaux blessés ; un cormoran blessé, étant venu se reposer sur la côte, fut immédiatement entouré par plusieurs de ces oiseaux qui achevèrent de le tuer à coups de bec. Le Beagle n’a visité les îles Falkland que pendant l’été, mais les officiers du vaisseau l’Aventure, qui ont passé un hiver sur ces îles, m’ont cité bien