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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

les écoles de droits et de devoirs mutuels où l’on parle le même langage aux deux sexes.

À ces points de vue divers, l’enseignement mixte nous paraît une nécessité ; c’est lui surtout qui réalisera le vœu de M. J. Simon sur la femme et permettra aux filles du peuple de s’élever à une position meilleure, de leur ouvrir de nombreuses carrières ; ainsi l’égalité que le ministre réclame pour elles au nom du bon sens, de la justice et de l’intérêt public sera enfin fondée.

Ces théories fort bonnes, nous dira-t-on, sont impraticables dans un pays où les mœurs les repoussent, et des innovations téméraires n’auraient, d’autre résultat que de faire déserter les écoles publiques. Les mœurs, répondrai-je, sont avec nous pour l’enseignement supérieur, puisque les femmes fréquentent en province nos facultés de lettres et de sciences ; il en a été de même pour l’enseignement primaire jusqu’en 1850, où la loi de 1833 a été appliquée au grand profit de l’instruction des femmes. Quant à l’enseignement secondaire, où la communauté d’études ne peut être que le résultat d’une lente transformation de la loi et des mœurs, on pourrait, dans les localités trop peu importantes pour entretenir deux écoles professionnelles, établir comme annexes des cours spéciaux à l’usage du sexe qui n’a pas son école. Loin d’innover ici il faut donc simplement revenir aux anciennes traditions de la France qui, même sous le premier Empire, conserva l’enseignement mixte ; la loi de 1833, abrogeant une ordonnance de 1816 qui l’avait proscrit, le fit appliquer sur des bases si larges que même dans les bourgs à écoles spéciales l’instituteur réunissait garçons et filles, enfants et adultes, à l’école du soir. La loi réactionnaire et injuste de 1850, qui nous régit encore à ce sujet, interdit l’enseignement mixte et enleva aux institutrices laïques ainsi qu’aux écoles de filles le principe d’égalité dont MM. Guizot et Cousin les avaient fait jouir, en déclarant toutes les dispositions législatives indifféremment applicables aux écoles de garçons et de filles. La remise en vigueur de la loi de 1833 serait-elle donc un trop grand effort de libéralisme à espérer du