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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

rait inefficace si nous laissions la famille dans l’anarchie légale qui nous mène à une irrémédiable décadence.

En faisant même abstraction des enfants illégitimes, dont la condition appelle une réforme urgente, on peut s’effrayer à bon droit de la dissolution dans laquelle l’absence de toute contrainte morale et par suite de l’idée du devoir paternel, a fait tomber la famille en France.

La licence qui forme le fond de l’éducation sociale de l’homme ne lui laisse voir dans le mariage qu’un moyen de satisfaire sa cupidité et d’exercer son despotisme sur la femme, dont il dépense le revenu ou le salaire, et sur l’enfant qu’il délaisse ensuite.

Dans les campagnes le mariage civil et religieux est une formalité à laquelle on se soumet encore, parce que quand le patrimoine fait défaut, elle n’impose pas plus de devoirs que le mariage libre. Chose absurde ! le Code français, imbu des idées du droit romain et du droit coutumier du moyen âge, ne protége efficacement dans la famille que la propriété, et ne considère dans l’enfant que l’héritier. Pour prévenir l’incurie des parents, notre législation va ici jusqu’à assurer l’héritage à l’enfant contre leur volonté, et à déclarer (art. 444) le père déchu du droit de tutelle pour inconduite, incapacité ou infidélité. Enlevons ce patrimoine matérielle, toute protection s’évanouit et toute tutelle envers les orphelins mêmes reste fictive. L’enfant n’est plus qu’une chose entre les mains des adultes qui peuvent au gré de leurs passions ou de leur caprice le priver de tout patrimoine moral et intellectuel. Et une preuve de notre absence de principes, c’est que quand nous revendiquons des droits naturels pour l’enfant, nos antagonistes sont les mêmes hommes qui trouvent bon de mettre le père en tutelle pour les questions d’héritage ; la logique de leur déraison va jusqu’à prétendre qu’on fait de l’enfant la propriété de l’État en obligeant ses ascendants à l’instruire.

Non, mille fois non ; mais avant de parler du droit paternel ; avant d’invoquer le jus utendi et abutendi, il faut au nom du devoir humain et social, rappeler que si l’enfant n’appartient jamais à l’État, le père doit toujours ap-