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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

aucune initiative pour les professions de leur goût et de leur choix, elles subissent d’ordinaire des métiers improductifs, si elles ne descendent pas aux derniers degrés de la honte, ou ne figurent point parmi ces milliers de déclassées dont l’incapacité seule peut égaler l’outrecuidance. N’ayant professé dans leur jeunesse que le mépris du travail, l’amour de la dépense et du luxe, elles ont couru toutes les soirées, tous les bals, toutes les eaux, à la recherche d’un introuvable mari ; et, sur le retour, en face des nécessités de la vie, elles accusent le ciel et la terre qui ne leur offrent aucun emploi, quand la loi inflexible de la concurrence les repousse des professions qu’elles n’ont point apprises.

Si donc le travail rémunérateur est une cause de dignité, de liberté et de sécurité pour l’homme, à plus forte raison le deviendra-t-il pour les femmes qu’il rachètera d’un tel servage. Toute occupation qui donne indépendance à la jeune fille et lui permet l’épargne est en conséquence une force économique et morale de premier ordre.

Le droit des femmes au libre développement de leurs facultés, pour le choix de métiers salubres, d’où elles tirent rétribution, selon leur capacité et leurs œuvres, doit être envisagé comme un devoir fondamental par des civilisations dont les proclamations d’égalité ont enlevé à la jeune fille la fixité de position que le cloître, la famille ou l’industrie lui attribuaient autrefois avant sa naissance.

La liberté et la concurrence, ces deux pôles de notre vie civile, permettent à l’homme de corriger le sort par ses aptitudes. Dès qu’on enlève ces moyens à la femme, on la prive de sa valeur économique et on la rend ainsi victime d’une injustice préjudiciable à l’ordre général.

De ce préjugé individuel et social qui interdit à la femme d’agir dans la même sphère d’action que les hommes, de participer à leurs progrès, résulte pour elle une diminution de capacité intellectuelle et morale qui diminue d’autant celle des nobles attributs de l’humanité.

D’ailleurs, si le principe de l’initiative personnelle est vrai pour l’homme, l’harmonie sociale exige qu’il le soit