Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/192

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— Vous avez votre brevet, mon oncle ?… Voulez-vous me le montrer ?…

Élisée gardait l’espoir qu’il y avait là-dessous quelque tricherie d’écriture, un faux dont l’agence Lévis trafiquait sans scrupule. Non ! Tout semblait régulier, libellé selon la formule, timbré aux armes d’Illyrie avec la signature de Boscovich et la griffe du roi Christian II. Le doute n’était plus possible. Il se faisait un commerce de croix et de cordons, établi avec la permission du roi ; d’ailleurs, pour achever de se convaincre, Méraut, sitôt de retour à Saint-Mandé, n’eut qu’à monter chez le conseiller.

Dans un coin du hall immense qui tenait tout le haut de l’hôtel, servant de cabinet de travail à Christian — lequel ne travaillait jamais — de salle d’armes, de gymnase, de bibliothèque, il trouva Boscovich parmi les casiers, les grosses enveloppes de papier bulle, les feuilles superposées où séchaient l’une sur l’autre les dernières plantes récoltées. Depuis l’exil, le savant s’était fait, dans les bois parisiens de Vincennes et de Boulogne, qui contiennent la plus riche flore de France, un commencement de collection. De plus il avait acheté l’herbier d’un fameux naturaliste qui venait de mourir ; et, perdu dans l’examen de ses nouvelles richesses, sa tête exsangue, sans âge, penchée sur le verre grossissant d’une loupe, il soulevait une à une