Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/294

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dont fut souligné ce mot d’huissier pour bien faire sentir toutes les formalités sinistres qu’il entraînait après lui : papier timbré, saisie, la maison royale profanée, mise à la rue. Christian ne voyait pas cela, lui. Il arrivait là-bas au milieu de la nuit, anxieux et frissonnant, montait à pas de loup l’escalier mystérieusement drapé, entrait dans la chambre où la lampe en veilleuse s’alanguissait sous les dentelles. « C’est fait, je ne suis plus roi… À moi, toute, toute… » Et la belle se dégantait.

— Allons, dit-il avec le sursaut de sa vision qui fuyait. Et il signa.

La porte s’ouvrit, la reine parut. Sa présence chez Christian à cette heure était si nouvelle, si imprévue, depuis si longtemps ils vivaient loin l’un de l’autre, que ni le roi en train de parapher son infamie, ni Lebeau qui le surveillait, ne se retournèrent au léger bruit. On crut que Boscovich remontait du jardin. Glissante et légère comme une ombre, elle était déjà près de la table, sur les deux complices, quand Lebeau l’aperçut. Elle lui donna un ordre de silence, le doigt aux lèvres, et continuait à avancer, voulant saisir le roi en pleine trahison, éviter les détours, les subterfuges, les dissimulations inutiles ; mais le valet brava sa défense par une alarme à la d’Assas : « La reine, Sire !… » Furieuse, la Dalmate