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LES ROIS EN EXIL

velours recouverts d’une nappe brodée. Les Rosen manquaient, le vieux au lit, la princesse ayant accompagné jusqu’à la gare Herbert parti avec quelques jeunes gens. Hezeta devait les suivre au train d’après et toute la petite troupe s’égrener ainsi dans la journée pour ne pas donner l’éveil. Cette messe secrète qui rappelait des temps de trouble, la tête exaltée du moine, l’énergie militaire de son geste et de sa voix, cela sentait l’encens et la poudre, la cérémonie religieuse solennisée par la bataille prochaine.

Le déjeuner fut oppressé de ces émotions confondues, quoique le roi mît une certaine coquetterie à ne laisser autour de lui que d’agréables souvenirs, qu’il affectât vis-à-vis de la reine une attitude respectueusement tendre dont l’affection se brisait aux froideurs un peu méfiantes de Frédérique. Le regard de l’enfant les surveillait timidement, car l’horrible scène de l’autre nuit hantait sa jeune mémoire et lui laissait des intuitions nerveuses au-dessus de son âge. La marquise de Silvis poussait par avance de gros soupirs d’adieu. Quant à Élisée, à qui la confiance était revenue, il ne pouvait contenir sa joie, songeant à cette contre-révolution par le peuple qu’il avait rêvée si longtemps, à cette émeute forçant les portes d’un palais pour y faire rentrer un roi. Selon lui, le succès n’était pas douteux. Christian n’avait