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LES ROIS EN EXIL

Le roi cependant avait pris de fortes résolutions. Pendant la messe, il s’était juré de ne plus revoir Séphora, sentant bien que si elle voulait le retenir, si elle lui nouait solidement ses bras autour du cou, il n’aurait pas la force de la quitter. De la meilleure foi du monde il se fit donc conduire à son cercle, y trouva quelques calvities absorbées sur de silencieuses parties de whist et des sommeils majestueux autour de la grande table du salon de lecture. Tout était ici d’autant plus mort et désert qu’on avait beaucoup joué la nuit dernière. Au matin, comme toute la bande sortait, monseigneur le prince d’Axel en tête, un troupeau d’ânesses passait devant le cercle, trottinant et sonnant. Monseigneur avait fait appeler l’ânier. On avait bu du lait chaud dans des coupes à Champagne ; puis ces messieurs, tous un peu lancés, enfourchant les pauvres bêtes malgré leurs ruades et les cris du conducteur, couraient le plus amusant steeple-chase tout le long de la rue de la Paix. Il fallait entendre le récit majestueusement attendri de M. Bonœil, le gérant du Grand-Club : « Non !… c’était si drôle !… Monseigneur sur cette petite ânesse, obligé de relever ses longues jambes, car Monseigneur est admirablement jambé… Et toujours son flegme imperturbable… Ah ! si Sa Majesté avait été là !… »

Sa Majesté regrettait bien assez d’avoir man-