Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/40

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des rendez-vous se donnaient pour le soir : « À Médicis », ou bien « à Louis XIII » ; et tout à coup, sur un madrigal trop vif ou pris de travers, une de ces indignations de fille stupéfiantes éclatait dans la formule invariable : « Passez donc votre chemin, espèce d’insolent ! » Pensez que les deux frocs devaient se hérisser au contact de toute cette jeunesse, retournée et riant sur leur passage, mais riant en dessous, car l’un des franciscains, maigre, noir et sec comme une caroube, avait une terrible physionomie de pirate sous ses sourcils embroussaillés, et sa robe que la cordelière serrait à gros plis bourrus lui dessinait des reins et des muscles d’athlète. Ni lui, ni son compagnon ne semblaient d’ailleurs s’occuper de la rue dont ils secouaient l’atmosphère à grands pas, l’œil fixe, absorbés, uniquement tendus au but de leur course. Avant d’arriver au large escalier qui descend vers l’École de médecine, le plus âgé fit signe à l’autre :

— C’est ici.

Ici, c’était un hôtel meublé, de piètre apparence, dont l’allée précédée d’une barrière verte à sonnette s’ouvrait entre une boutique de journaux feuilletée de brochures, de chansons à deux sous, d’images coloriées où le chapeau grotesque de Basile se répétait dans une foule d’attitudes, et une brasserie en sous-sol portant sur son enseigne : « Brasserie du