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LES ROIS EN EXIL

êtres, mais de la multiple éloquence des choses qu’ils leur viennent. À cette reine dépossédée, jetée sur la terre d’exil avec son mari, son enfant, par un de ces soulèvements de peuple qui font penser aux tremblements de terre accompagnés d’ouvertures d’abîmes, d’éclairs de foudre et d’éruptions volcaniques ; à cette femme dont le front un peu bas et pourtant si hautain gardait le pli et comme le tassement d’une des plus belles couronnes d’Europe, aucune formule humaine n’aurait pu apporter de consolation. Et voici que la nature, joyeuse et renouvelée, apparue dans ce merveilleux été de Paris qui tient de la serre chaude et de la molle fraîcheur des pays de rivière, lui parlait d’espérance, de résurrection, d’apaisement. Mais tandis qu’elle laisse ses nerfs se détendre, ses yeux boire à pleines prunelles à ce verdoyant horizon, tout à coup l’exilée a tressailli. À sa gauche, là-bas, vers l’entrée du jardin, se dresse un monument spectral, fait de murs calcinés, de colonnes roussies, le toit croulé, les fenêtres en trous bleu d’espace, une façade à jour sur des perspectives de ruines, et tout au bout — regardant la Seine — un pavillon presque entier, atteint et doré par la flamme qui a noirci le fer de ses balcons. C’est tout ce qu’il restait du palais des Tuileries.

Cette vue lui causa une émotion profonde,