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sait qu’ils reproduisent et signifient l’ensemble du caractère et du tempérament. C’est un histologiste sur le vif, mais qui atteint à l’ampleur et à la grandeur par l’exactitude du détail. De temps en temps, selon un rythme qu’une critique serrée déterminerait, il détache et met en lumière une parcelle essentielle de l’esprit, ouvrant ainsi une voie ingénieuse et neuve. C’est un trouvère de laboratoire et sa connaissance du bipède parlant de société est réellement une gaie science.

Ses ouvrages sont copieux et drus, nullement destinés aux personnes légères qui parcourent, en baillant, l’auteur à la mode. Ils ne conviennent pas non plus aux demoiselles, dont on coupe le pain en tartines. Car vous imaginez que cette analyse rencontre fréquemment, ici et là, dans l’ombre honteuse, dont parlait Shakespeare, quelque chose de pire qu’un travers. Tout n’est pas bergerie dans le monde ; et les instincts, mal bridés, reprenant leurs droits, et même en abusant, font brusquement un saccage des convenances, presque aussi complet que celui de la jungle. Marcel Proust n’esquive pas cette difficulté. Il la saisit avec une vigueur de clinicien, ouvre la plaie sanieuse, la panse vivement, avec son