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IV.

Là aussi il y avait une grande animation. Gardes nationaux, bourgeois, gardes mobiles criaient, s’agitaient. Des députations passaient, frémissantes, se rendant chez le maréchal. Hornus, lui, ne voyait rien, n’entendait rien. Il parlait seul, tout en remontant la rue du Faubourg.

« M’enlever mon drapeau !… Allons donc ! Est-ce que c’est possible ? Est-ce qu’on a le droit ? Qu’il donne aux Prussiens ce qui est à lui, ses carrosses dorés, et sa belle vaisselle plate rapportée de Mexico ! Mais ça, c’est à moi… C’est mon honneur. Je défends qu’on y touche. »

Tous ces bouts de phrase étaient hachés par la course et sa parole bègue ; mais au fond il avait son idée, le vieux ! Une idée bien nette, bien arrêtée, prendre le drapeau, l’emporter au milieu du régiment, et passer sur le ventre des Prussiens avec tous ceux qui voudraient le suivre.

Quand il arriva là-bas, on ne le laissa pas même entrer. Le colonel, furieux lui aussi, ne voulait voir personne… mais Hornus ne l’entendait pas ainsi.

Il jurait, criait, bousculait le planton : « Mon