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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/154

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Le vieil Hornus chancelait comme un homme ivre.

« Un reçu…, un reçu…, » répétait-il machinalement… Enfin, il se remit à marcher, ne comprenant plus qu’une chose, c’est que le drapeau était à l’Arsenal et qu’il fallait le ravoir à tout prix.


V


Les portes de l’Arsenal étaient toutes grandes ouvertes pour laisser passer les fourgons prussiens qui attendaient rangés dans la cour. Hornus, en entrant, eut un frisson. Tous les autres porte-drapeaux étaient là, cinquante ou soixante officiers, navrés, silencieux ; et ces voitures sombres sous la pluie, ces hommes groupés derrière, la tête nue : on aurait dit un enterrement.

Dans un coin, tous les drapeaux de l’armée de Bazaine s’entassaient, confondus sur le pavé boueux. Rien n’était plus triste que ces lambeaux de soie voyante, ces débris de franges d’or et de hampes ouvragées, tout cet attirail glorieux jeté par terre, souillé de pluie et de boue. Un officier d’administration les prenait un à un, et, à l’appel de son régiment, chaque