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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/220

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II


Depuis au moins vingt-cinq ans, c’était l’usage chez les Bonnicar de manger des petits pâtés le dimanche. À midi très précis, quand toute la famille — petits et grands — était réunie dans le salon, un coup de sonnette vif et gai faisait dire à tout le monde :

« Ah ! voilà le pâtissier. »

Alors, avec un grand remuement de chaises, un froufrou d’endimanchement, une expansion d’enfants rieurs devant la table mise, tous ces bourgeois heureux s’installaient autour des petits pâtés symétriquement empilés sur le réchaud d’argent.

Ce jour-là, la sonnette resta muette. Scandalisé, M. Bonnicar regardait sa pendule, une vieille pendule surmontée d’un héron empaillé et qui n’avait jamais de la vie avancé ni retardé. Les enfants bâillaient aux vitres, guettant le coin de la rue où le mitron tournait d’ordinaire. Les conversations languissaient ; et la faim, que midi creuse de ses douze coups répétés, faisait paraître la salle à manger bien grande,