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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/229

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que là-bas j’aurai un bout de terrain, des outils, une petite maison… Une petite maison ! Nous en avions rêvé une, ma femme et moi, du côté de Saint-Mandé ; basse, avec un petit jardin étalé devant, comme un tiroir ouvert plein de légumes et de fleurs. On serait venu là le dimanche, du matin au soir, prendre de l’air et du soleil pour toute la semaine. Puis, les enfants grandis, mis au commerce, on s’y serait retiré bien tranquille. Pauvre bête, va ! te voilà retiré maintenant, et tu vas l’avoir ta maison de campagne !

Ah ! malheur ! quand je pense que c’est la politique qui est la cause de tout. Je m’en défiais pourtant de cette sacrée politique. J’en avais toujours eu peur. D’abord je n’étais pas riche, et, avec mon fonds à payer, je n’avais pas beaucoup le temps de lire les journaux ni d’aller entendre les beaux parleurs dans les réunions. Mais le maudit siège est arrivé, la garde nationale, rien à faire qu’à brailler et à boire. Ma foi ! je suis allé aux clubs avec les autres, et tous leurs grands mots ont fini par me griser.

Les droits de l’ouvrier ! Le bonheur du peuple !

Quand la Commune est venue, j’ai cru que c’était l’âge d’or des pauvres gens qui arrivait. D’autant qu’on m’avait nommé capitaine, et