Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/303

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a là, sur ce perron, un froissement de soie, un cliquetis d’épées. Rien que des chevelures blanches, alourdies et mates de poudre ; rien que des petites voix claires, un peu tremblantes, des petits rires sans timbre, des pas légers. Tous ces gens ont l’air d’être vieux, vieux ! Ce sont des yeux effacés, des bijoux endormis, d’anciennes soies brochées, adoucies de nuances changeantes que la lumière des torches fait briller d’un éclat doux ; et sur tout cela flotte un petit nuage de poudre, qui monte des cheveux échafaudés, roulés en boucles, à chacune de ces révérences, un peu guindées par les épées et les grands paniers… Bientôt toute la maison a l’air d’être hantée. Les torches brillent de fenêtre en fenêtre, montent et descendent dans le tournoiement des escaliers, jusqu’aux lucarnes des mansardes qui ont leur étincelle de fête et de vie. Tout l’hôtel de Nesmond s’illumine, comme si un grand coup de soleil couchant avait allumé ses vitres.

« Ah ! mon Dieu ! ils vont mettre le feu !… » se dit M. Majesté. Et, revenu de sa stupeur, il tâche de secouer l’engourdissement de ses jambes et descend vite dans la cour, où les laquais viennent d’allumer un grand feu clair. M. Majesté s’approche ; il leur parle. Les laquais ne lui répondent pas et continuent de causer tout bas entre eux, sans que la moindre