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L’AIOLI


On se serait cru dans la cabane d’un pêcheur de Théocrite, au bord de la mer de Sicile. C’était simplement en Provence, dans l’île de Camargue, chez un garde-pêche. Une cabane de roseaux, des filets pendus au mur, des rames, des fusils, quelque chose comme l’attirail d’un trappeur, d’un chasseur de terre et d’eau. Devant la porte, encadrant un grand paysage de plaine, agrandi encore par le vent, la femme du garde dépouillait de belles anguilles toutes vives. Les poissons se tordaient au soleil ; et là-bas, dans la lumière blanche des coups de vent, des arbres grêles se courbaient, avaient l’air de fuir, montrant le côté pâle de leurs feuilles. Des marécages luisaient de place en place entre les roseaux, comme les fragments d’un miroir brisé. Plus loin encore, une grande ligne étincelante fermait l’horizon ; c’était l’étang de Vaccarès.

Dans l’intérieur de la cabane où brillait un feu de sarments tout en pétillements et en clarté, le garde pilait religieusement les gousses d’ail