Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/335

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Oh ! ce premier coup de feu en forêt, ce coup de feu qui trouait les feuilles comme une grêle d’avril et marquait les écorces, jamais je ne l’oublierai. Un lapin détala au travers du chemin en arrachant des touffes d’herbe avec ses griffes tendues. Un écureuil dégringola d’un châtaignier en faisant tomber les châtaignes encore vertes. Il y eut deux ou trois vols lourds de gros faisans et un tumulte dans les branches basses, les feuilles sèches, au vent de ce coup de fusil qui agita, réveilla, effraya tout ce qui vivait dans le bois. Des mulots se coulaient au fond de leurs trous, Un cerf-volant, sorti du creux de l’arbre contre lequel nous étions blottis, roulait ses gros yeux bêtes, fixes de terreur. Et puis des demoiselles bleues, des bourdons, des papillons, pauvres bestioles s’effarant de tous côtés… Jusqu’à un petit criquet aux ailes écarlates qui vint se poser tout près de mon bec : mais j’étais trop effrayé moi-même pour profiter de sa peur.

Le vieux, lui, était toujours aussi calme. Très attentif aux aboiements et aux coups de feu, quand ils se rapprochaient, il me faisait signe, et nous allions un peu plus loin, hors de la portée des chiens et bien cachés par le feuillage. Une fois pourtant je crus que nous étions perdus, L’allée que nous devions traverser était gardée de chaque bout par un chas-